La tristesse dans la musique grecque ne finit pas avec les rébética. Εn prend la rélève la chanson dite populaire (laico) dans les années 50 et 60 et le ton de la musique reste grave. Cette direction musicale vers la tristesse et la mélancolie douce, visible aussi dans les ballades de Hatzidakis et de Théodorakis, est en grande partie expliquée par la conjoncture socio-politique du XXème siècle propre à la Grèce. La catastrophe de l’Asie Mineure (1922) et l’exode forcé d’un million et demi de «Rοmii» vers l’Etat helladique, la guerre et l’occupation allemande (1940-1944) puis la guerre civile (1946-1949) dont les perdants de la gauche communiste font les frais en payant un tribut fort, marquent la première moitié du siècle.  A tout cela, il faut ajouter les nouveaux flux migratoires grecs vers l’Australie, l’Allemagne et la Belgique qui ne s’arrêtent que dans les années 70 où le pays commence à sortir de la pauvreté.

Stelios Kazantzidis, né en 1931 de Charalambos Kazantzidis du Pont Euxin et de Gesthimani (la mère adorée) réfugiée d’Asie Mineure est le roi incontestable du ‘’laiko’’ des années d’ après guerre. Sa voix triste voire profonde ne cesse de parler de l’injustice sociale, de la pauvreté, de la migration, de la trahison amoureuse. La joie n’est pas à l’ordre du jour dans la mesure où le destin détermine le sort des gens dans la mauvaise voie. Κazantzidis devient ainsi le porte-parole d’ une mythologie mélodramatique et d’ un peuple souffrant qui cherche à raconter ses douleurs, son pessimisme mais aussi ses espoirs. «Stelaras» («Stelios le Grand»)-comme ses innombrables amis l’appellent-s’impose comme le chanteur adoré tant à l’intérieur de la Grèce que parmi les Grecs de la diaspora. Ses concerts en Allemagne, en Belgique et ailleurs connaissent un triomphe sans précédent et restent à jamais dans la mémoire des immigrés qui avaient la chance d’y assister. La mort de Stelaras en 2001 suite d’un cancer plonge ses fans dans le deuil. La découverte de Kazantzidis reste un passage obligé pour tous ceux qui veulent explorer l’histoire de la chanson grecque toujours par rapport au contexte socio-politique du siècle précédent.