La crise grecque est au centre de l’attention européenne depuis son déclenchement en 2008. Cinq spécialistes franco-grecs reviennent sur les causes de la situation actuelle lors d’un débat dans les locaux de l’Institut Français de Grèce, qui a eu lieu le 6 mars. Ils s’accordent entre autres sur le fait que les conditions de l’intégration de la Grèce dans l’Europe ont eu des incidences sur la crise qui sévit dans le pays et qui se répercute sur l’économie de toute l’Europe.

Pierre Mirel, ancien directeur à la Direction Générale de l’Élargissement à la Commission Européenne, indique qu’en 1975, un an après la fin de la dictature des colonels, la Commission donne un avis favorable pour l’entrée de la Grèce en Europe, si et seulement si, elle effectue des changements structurels qui sont nécessaires et qui prendront une certaine – autrement dit, une longue – période de temps. A cette époque, la Grèce n’est pas prête car elle ne dispose pas des ressources essentielles pour faire face à la concurrence européenne. Néanmoins, malgré cet avertissement, les négociations se terminent en 1979 avec la décision définitive de laisser la Grèce intégrer l’Europe en janvier 1981, bien que le pays n’ait adopté aucune mesure qui aurait pu l’aider à s’adapter au fonctionnement des autres Etats membres.

Pour résumer la situation, Pierre Mirel indique :« L’Union Européenne, ce système économique mais surtout géopolitique et géostratégique, a fait passer cette loi car, comme le disait le président Valérie Giscard d’Estaing « On ne laisse pas Platon attendre ! » ».

crise grecque

 Le spécialiste de la géopolitique franco-grecque Georges Prévélakis indique que cette autorisation d’entrée dans l’Europe a été accordée pour de nombreuses raisons. En effet, l’État Grec a apporté des valeurs symboliques grâce à ses travaux qui datent de l’Antiquité. A l’origine du « mythe fondateur » et du philhellénisme, la Grèce a porté aux yeux du monde des philosophes, scientifiques et une culture qui résonne encore aujourd’hui. Le pays se trouve également être un carrefour géopolitique. Sa participation aux conflits internationaux est ainsi d’une importance capitale, comme cela l’a été pendant la Première, la Seconde Guerre Mondiale et la Guerre Froide. Son activité maritime et sa diaspora grecque ont aussi leur poids dans les partenariats européens. Ces raisons ont ainsi prévalu sur la capacité du pays à s’intégrer dans l’organisation, confirmant la théorie que l’on peut, selon Pierre Mirel, « devenir membre de l’Union Européenne sans efforts et sans réformes ».

Néanmoins « l’entrée sans transition » de la Grèce dans l’Europe est, de nos jours, qualifiée d’erreur par certains spécialistes. Ce constat est amplifié par le fait que l’organisation européenne offre aussi des rentes qui sont distribuées sans demande de remboursement ou sans obligation de réformes aux États membres et qui ne les pousse pas à s’adapter. L’agriculture de la Grèce, pourtant bonne avant son entrée dans l’Europe, a ainsi connu de grandes difficultés face à la concurrence.

L’idée selon laquelle le pays peut se rééquilibrer sans changer, est remise en cause, notamment avec les fraudes fiscales, les projets dispendieux et l’économie que connaît la Grèce.

L’ancien directeur met donc en cause la « malédiction des ressources naturelles », qui lorsqu’un pays s’appuie démesurément dessus, se détruit puisque la population ne cherche pas à être compétitive. Alors que le tourisme reste un point important des ressources grecques, la bureaucratie et le système de corruption font partie des raisons qui ont été déterminantes dans la situation actuelle. Cela se caractérise par une « fuite des cerveaux » et le souhait de 3/5 jeunes de partir vivre à l’étranger, selon Christian Lequesne, professeur à Science Po Paris. Même si les mesures d’austérité que l’Europe a menées envers la Grèce ont surtout eu pour but d’être punitives, l’espoir que la situation s’améliore subsiste, puisque les pays ayant connu de grandes catastrophes, ont réussi à se reconstruire. 

Texte écrit par Johanna Bonenfant

Participants :
Christian Lequesne, Sciences Po-CERI, ancien directeur du CERI 
Pierre Mirel, ancien directeur chargé des relations avec l’Albanie, le Monténégro, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie et le Kosovo à la DG Élargissement de la Commission européenne 
Kyriakos Pierrakakis, directeur de recherches de DiaNEOsis 
Georges Prévélakis, université Panthéon-Sorbonne (Paris 1) et Sciences Po-CERI
Maria Sarafoglou, journaliste ΑΝΤ1