Quelle infortune, alors que tu es fait
pour de belles et grandes choses,
que cet injuste sort doive être le tien toujours,
et sans cesse te refuser l’encouragement, le succès ;
d’avoir à rencontrer tant de sordides habitudes,
de mesquineries et d’indifférences.
Et quel jour affreux que le jour où tu cèdes
(le jour où tu t’es laissé aller et où tu cèdes),
et te voici qui prends à pied le long chemin de Suse,
et tu arrives auprès du monarque Artaxerxès
qui t’accueille avec faveur à sa cour,
et t’offre satrapies et autres.
Et toi, tu les acceptes avec désespoir,
ces choses dont tu n’as que faire.
C’est d’autres fins que tu poursuis, après quoi ton âme soupire ;
les louanges des lettrés et du grand public,
l’inestimable joie des bravos difficiles ;
l’Agora, le Théâtre, et les Couronnes.
Comment pourrait-il donc te les donner, Artaxerxès,
où trouver tout cela dans une satrapie ?
et sans cela, qui sait que sera ta vie ? 
 
Traduction: Dominique Grandmont
«Constantin Cavafis, En attendant les barbares et autres poèmes» Poésie/Gallimard, 1999
Peinture: Yiannis Tsarouchis, “Portirait d’un jeune homme en hiver”, 1934
 
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