Il pleut ce soir encore mais la pluie me semble ancienne et je m’en souviens d’après son bruit; peut-être aussi d’après son goût – celui du métal; de la rouille. Sur la surface boueuse du cerveau tandis qu’elle tombait en s’épelant comme un chuchotement. La nuit où  les mots et les voix étouffées dans leur salive, sous la langue haletaient en tressant un silence laineux. Je me souviens de la pluie mais ses gouttes aussi je pense se souviennent de moi; sinon pourquoi mes frappent-elles ainsi tendrement, elles ne coulent pas, mais tremblotantes elles se retiennent aux ruines des rides et abruptement elles irisent en clignotant. Elles se retiennent pour ne pas tomber dans le ravin des lèvres et elles me rafraîchissent mais surtout que ne soient altérées les larmes.

Traduction © Marie-Laure Coulmin Koutsaftis, Anthologie: Ce que signifient les Ithaques, 20 poètes grecs contemporains, 2013]

Peinture: Nikos Kaskouras ” Pluie au dessus de la maison” (source: nikias.gr)

Le poème original en grec sur notre page facebook