Le rébétiko ne cesse de constituer une source d’inspiration pour les milieux savants et artistiques les plus divers. Le théâtre de marionnettes pour adultes et adolescents  «La tête dans le sac» de Genève propose une visite des bas-fonds  de la sociétégrecque des années 20, au moment du démantèlement de l’Empire ottoman, lors des premiers déplacements de populations, sous forme de fresque historique fragmentée et poétique. Une tentative d’exposition des “jeux de pouvoir” finissant toujours par atteindre de manière irrévocable la vie “des plus petits”, ceux qui ont moins, voire rien. On y rencontre une communauté de marionnettes aux personnalités fortes, grotesques, énervantes, drôles, émouvantes avec, comme ligne de fond omniprésente, le rébétiko. 

Accompagnées par deux musiciens (piano, oud, bouzouki, baglamas, tzouras ainsi que bandonéon…), ces marionnettes nous parlent, dans un langage qui leur est propre, de notre joli pauvre vieux monde. 

En référence au programme «Semaine de la Francophonie» et avec le soutien de l’Ambassade  de Suisse en Grèce et de la Ville de Genève, La Tête dans le sac présente un spectacle intitulé «La nuit finira-t-elle un jour?»A propos de ce spectacle, GrèceHebdo a voulu faire la connaissance de ces marionnettistes suisses.
 
  

Comment avez-vous fait la découverte du rébétiko?

En allant en Grèce, il est remarquable d’entendre comme le rébétiko a influencé l’ensemble de la culture musicale grecque, entre autres par ses instruments emblématiques, que sont le bouzouki et son petit frère le baglamas. En étant féru de chansons populaires, de tradition musicale, on le découvre forcément.
Ensuite, disons que le premier souvenir d’une chanson de Markos Vamvakaris, d’Anestis Delias ou de Vassilis Tsitsanis reste une émotion très particulière: Mais à qui peuvent bien être ces voix si brutes, si graves ou nasales? Ces musiques qui prennent aux tripes et vous plongent, en même temps que dans la mélancolie la plus noire, dans une passion de vivre dévorante.
Que de questions vis à vis des rébétiko, et des milliers de morceaux pour y répondre !
 
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Comment conciliez-vous l’art des marionnettes avec le monde des marginaux et leur musique?

Nous nous inscrivons, dans la continuité et l’esprit d’un théâtre de marionnettes né dans les rues, les bistrots, les tavernes, dès le XIXème siècle, un peu partout en Europe. Nous donnons vie à un monde peuplé de personnages populaires, à la langue bien pendue, qui, comme les  Polichinelle (Italie), Guignol (France), Karagueuz (Turquie, Grèce), Don Cristobal (Espagne), devenus aujourd’hui célèbres, par le fait même d’être les plus petits, peuvent se permettre  ironie et irrévérence. Ces spectacles sont nés dans les milieux marginaux, et étaient peu appréciés des autorités. Les spectacles mettant en scène le personnage emblématique de Karageuz, sont apparus en Grèce dans les années 20, dans les mêmes milieux que le rébétiko. Eux aussi venaient d’Anatolie. Un des personnages de ces spectacles, Stavrakas, est un rébéte, et les spectacles étaient généralement accompagnés par des musiciens. Alors concilier l’art de la marionnette avec le monde des marginaux du rébétiko nous est apparu avec évidence.
 
Qu’est-ce que la Grèce d’aujourd’hui représente pour vous?
La Grèce représente surtout aujourd’hui une population qui souffre considérablement, de la part d’une abjecte oppression économique. Soit, nous ne sommes pas très romantiques, mais, pour rester dans notre propos, le rébétiko non plus. Nous savons que c’est toujours ceux qui ont peu, voire rien, qui paient le prix fort de certaines décisions politiques. Malgré ces difficultés, la Grèce représente aujourd’hui l’humble espoir porté par un peuple et une culture qui résistent à l’uniformisation tout en voulant rester ouverts sur le monde. Un grand espoir pour nous autres.
 
 
INFO PRATIQUES
“La nuit finira-t-elle un jour?” par La tête dans le sac
12, 13, 14/3/2015, 21h00 | Atelier Mairivi (Sachtouri 4 & Sarri, Athènes)
Réservations: info@mairivi.gr –  – tél. 210 52 22 181 – 69 42 42 00 62

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