Michael Stora, psychologue, psychanalyste et co-fondateur de l’Observatoire des mondes numériques en sciences humaines, est invité, vendredi 30 septembre, à l’Institut Français pour une conférence, dans le cadre du Cycle « Gérer les différences à l’école ». Il tentera de décortiquer l’angoisse des parents vis-à-vis du rapport quasi addictif que les enfants et les adolescents peuvent développer avec les smartphones, les tablettes, les consoles et autres écrans qui ont envahi notre quotidien. Il tentera de rassurer, de déculpabiliser en présentant le côté positif des écrans et même le plaisir que les parents pourraient y trouver avec leurs enfants. Peu avant cette conférence intitulée ‘’Enfants & adolescents : génération écran. Pour le meilleur et pour le pire’’, il a répondu aux questions de GrèceHebdo*.

Qu’est –ce qu’il nous amène à devenir accro aux Jeux vidéo/Jeux? Est-ce qu’il y a une ‘’cure’’ contre cette addiction?

L’addiction au jeu vidéo en ligne touche généralement des garçons élevés au culte de la réussite et de la performance. Souvent diagnostiqué enfants avec un haut potentiel intellectuel, nous pourrions dire qu’ils ont toujours été habitués à gagner. Puis un évènement familial (Divorce, décès) ou une chute du résultat scolaire va les entrainer dans une dépression où le jeu vidéo en ligne va servir d’antidépresseur. Le but étant de continuer à gagner à tout prix. On peut commencer à évoquer une vraie addiction lorsqu’il y a rupture des liens sociaux ( du repas du soir, groupes d’amis à une totale déscolarisation). Pour le traitement, le travail en groupe, thérapie familiale ou psychothérapie individuelle reste l’unique solution.  

Pourquoi les jeunes gens, particulièrement, se tournent vers ces jeux ?

La génération Y est née avec les jeux vidéos et d’une certaine manière ils ne veulent pas être uniquement spectateurs de leurs vies mais interacteurs. Renforcés dans leur toute puissance, ils incarnent des héros au moment où leur réalité est beaucoup moins héroïque. Mon expérience clinique montre qu’ils ont vieilli et mes patients actuels ont plutôt entre 25 et 30 ans. D’autres études montrent que les “silver surfeurs”, à savoir les retraités sont majoritairement ceux qui ont des conduites excessives aux jeux vidéo. Pallier à leurs ennuis ou leurs dévalorisation narcissique, ils peuvent retrouver quelque chose de leurs jeunesses dans un univers virtuel. 

Comment l’objet numérique peut être utilisé en tant qu’outil thérapeutique?

Pionnier en France dans la médiation thérapeutique par les jeux vidéo, j’ai pu me rendre compte qu’il permettait d’aider des enfants et adolescents à affronter leurs monstres intérieurs où la main devenait la métaphore du Moi. Ainsi, il y aura un effet de rencontre entre l’histoire du patient, celle du jeu. L’identification a l’avatar est tellement puissante que le joueur-patient va faire des choix, se prendre au jeu pour se confronter à son pire ennemi, à savoir sa culpabilité qui prend comme symptôme: l’échec scolaire, sa violence envers les autres ou contre lui même. 

Comment pourrait-t-on tirer profit de l’utilisation des nouveaux médias et des nouveaux Jeux ?

Aussi bien dans le domaine scolaire que celui de la santé, le jeu vidéo dans sa grammaire offre des nouvelles manière d’apprendre voir de se soigner. De ce constat est né le ‘’Serious Game’’ ou se croisent jeu vidéo et cause pédagogique. Jouer avec une information permet plus facilement de se l’approprier. Apprendre par l’erreur comme vecteur de l’apprentissage. On observe une tendance qui ne cesse de croître qui est celle de la gamification, où le virtuel enrichit le réel et vice et versa. Jouer est un espace de récréation dans le sens d’une récréation de ses tensions et frustrations donc c’est profondément sain ! 

Quel est le rôle de l’Observatoire des Mondes Numériques en Sciences Humaines, dont vous êtes co-fondateur, dans le domaine du numérique ?

L’observatoire fondé en 1998 a pour vocation d’observer les phénomènes numériques d’un point de vue de la recherche universitaire. Sans être un laboratoire universitaire nous regroupons les 12 disciplines des sciences humaines pour avoir idéalement une observation transdisciplinaire. 

stora afisa

 

* Entretien accordé à Maria Oksouzoglou