A propos de sa conférence au Centre Culturel Onassis, GrèceHebdo s’est adressé à Pascal Bruckner pour avoir son propre point de vue sur la Grèce et la crise actuelle. 

1. Vous êtes un habitué de la Grèce depuis 35 ans. Qu’est-ce que la Grèce représente pour vous? 

La Grèce représente pour moi une cousine à la fois proche et lointaine chez qui je me rends régulièrement depuis les années 70. A la fois européenne et orientale, elle me donne chaque fois un sentiment de proximité trompeuse. Il y a une différence grecque qui la rend à nulle autre pareille. Je suis à la fois chez moi et ailleurs tant l’histoire de ce pays ne ressemble en rien à celle de la France. Mais c’est le miracle européen que sur un territoire si exigu puissent cohabiter tant de cultures différentes qui font signe vers le reste du monde. 

2. Comment vous avez ressenti la crise grecque de ces dernières années? Est- ce que, selon vous, l’Europe s’est montrée suffisamment solidaire envers la Grèce?

J’ai accueilli la crise grecque d’abord avec crédulité puis avec colère, consternation, abattement avant de m’apercevoir que cette situation nous rattrapait .Berceau de l’Europe, la Grèce pourrait bien devenir son tombeau si nous ne réagissons pas tous. 

Les Grecs sont évidemment responsables des maux qui les frappent: la corruption, l’absence d’un cadastre précis, la désorganisation du système fiscal, le fait scandaleux que l’Eglise orthodoxe et les riches armateurs ne payent pas d’impôts sont autant de symptômes d’un mal qui doit être corrigé très rapidement. 

Mais les Européens, à commencer par l’Allemagne, n’ont pas été tout de suite solidaires: ils ont traité la Grèce comme l’homme malade de l’Union, cherchant à le mettre en quarantaine, voire à l’expulser du cercle enchanté des nations vertueuses. L’Union qui devait mutualiser les risques et les pertes ne s’est pas conduite de façon décente: le principe même de toute fédération d’Etats, c’est qu’on porte secours aux plus faibles en attendant qu’ils se rétablissent. Et surtout comment les banques ont elles pu prêter tant d’argent aux différents gouvernements qui se sont succédés à Athènes sans enquêter sur la solvabilité de ce pays? Le prêteur est aussi fautif que l’emprunteur. 

Il n’y a qu’une seule solution pour sortir du chaos et l’on y vient petit à petit, c’est d’effacer la dette grecque puis italienne, espagnole et portugaise. Sinon on tuera ces pays pour avoir voulu les assainir. Aux Grecs ensuite de réfléchir à leur avenir, d’inventer, à côté du tourisme, de nouvelles formes d’industrialisation, de nouvelles technologies, notamment dans le domaine des énergies renouvelables, qui permettront à cette grande nation de tenir le rang qu’elle mérite.

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