Au cœur d’Athènes dans le quartier d’Exarcheia, depuis 2009 une initiative d’un nouveau genre a vu le jour renommée Skoros. Ce lieu d’échange et de rencontre permet d’acquérir gratuitement vêtements, livres ou encore films et musiques.

19h. Un samedi d’avril. A mon arrivée à la boutique, si j’ose dire, je fais la rencontre des premiers bénévoles. Je ne cherche pas le responsable, ils le sont tous. On m’explique que dans une heure commence la projection du documentaire True Cost. Avec pour slogan « critique du consumérisme », Skoros entend donner à réfléchir sans chercher seulement un reproche sur l’aspect matériel mais bien aussi pour engager une prise de conscience.

Qui se souvient de l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh qui a causé la mort d’au moins 1100 personnes en 2013 ? Alors que les médias dominants se vantent de chaque nouveau record de carte bancaire pendant les fêtes de Noël. Les vêtements à bas prix présentés comme une aubaine pour des consommateurs dopés à la pub se facturent aussi par le sang. Pour la grande majorité se sont des ouvrières exploitées et soumises à un traitement digne de l’esclavage qui fournissent les rayons des magasins. Sans parler du prix de cette industrie pour l’environnement au second rang des plus prédatrices sur la question. En plein dans l’actualité, le documentaire appuie là ou ça fait mal.  

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Du client roi au visiteur libre

Ici, pas question de hiérarchie tout le monde met la main à la patte et a son mot à dire. Pas de directive seulement une direction commune, tenir le lieu à la disposition des « visiteurs » comme me l’explique Vanda. Oui. Nulle question de clients lorsque la rentabilité à tout prix n’a pas lieu d’être. Seulement des visiteurs, plus ou moins réguliers, libres de se servir. Ne cherchez, donc, pas non plus à passer à la caisse. Vous vous servez. Avec comme seule règle de limiter votre choix à trois biens. Face à certains abus, il a fallu fixer un cadre. Impossible de se servir à volonté pour revendre les objets sur le trottoir en face.

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L’objectif premier est de sensibiliser et venir en aide et non pas d’acquérir sans compter. La pérennité du lieu est garantie par un concept simple. Tout le monde est invité à déposer ce dont il ne se sert plus. Comme si vous offriez ce bien à un ami ou un proche. Au départ, beaucoup de gens pour qui il était difficile de se servir sans payer venaient seulement approvisionner le lieu. L’article doit être avant tout propre et en bon état. Bien entendu, vous pouvez contribuer financièrement en déposant ce que vous estimez approprié. Cet argent ne sert alors qu’à payer le loyer et l’électricité. Entre un tricot Yves-Saint Laurent et un hors-série Le Monde sur Edgar Morin, le choix diffère selon les envies de chacun.  

De la sensibilisation à la solidarité

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Skoros représente une entreprise collaborative unique en Grèce qui cherche avant tout à sensibiliser sur les conséquences de notre consommation. Le consumérisme porte atteinte aux droits humains et à l’environnement. Le fait de jeter sans compter sans prendre en compte les conséquences de nos habitudes d’achats ont des effets négatifs sur le monde environnant. On parle de gaspillage alimentaire mais trop peu souvent du gaspillage vestimentaire. Alors que la population mondiale est en croissance constante, la recherche du « toujours moins cher » inhérent au modèle économique actuel s’accompagne de dérives qu’il faut corriger. A la manière de Vandana Shiva qui en appelle à une « désobéissance créatrice », il est question d’interpeller la conscience générale sur les questions du partage et d’une nouvelle vision de la consommation.

Pourtant lorsque les portes de Skoros se sont ouvertes pour la première fois les crises économique et migratoire n’étaient pas encore au cœur des esprits. Le projet initial a ainsi évolué pour se confronter à de nouvelles problématiques. Comme si le collectif avait anticipé la misère et l’éloignement, aujourd’hui les principaux bénéficiaires font partie des couches vulnérables de la société. Parmi elles, on retrouve les sans-abris, les personnes dépendantes aux drogues, les réfugiés et individus issus de l’immigration. Ces derniers sont évidemment accueillis avec bienveillance mais remodèlent les principes de l’association. Le lieu est ouvert à tous sans égard à vos origines et votre milieu dans le but de faire vivre et persister un espace d’un nouveau genre.

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texte écrit par Hugo Tortel