Elia Petropoulos constitue un cas à part tant pour son trajet personnel que pour son œuvre originale.
 
Né à Athènes en 1928, il s’installe à Salonique à l’âge de cinq ans en développant un rapport affectueux avec cette ville cosmopolite où l’élément juif est encore si visible. Dès son adolescence, il entre à la résistance de gauche contre les Allemands au moment de l’occupation et lorsqu’ il devient adulte il trouve un poste à la mairie, suite à la mort de son père qui l’a profondément blessé. Diplômé de la faculté de droit de Salonique, il n’exerce jamais le métier d’avocat mais il s’oriente vers le journalisme où il porte un regard plutôt sociologique sur la politique en explorant surtout les marges de la société.
 
Au cours de la dictature des colonels, il se trouve trois fois condamné par les Tribunaux en totalisant deux ans d’enfermement. Parmi les motifs invoqués par la justice des colonels est le fait qu’il n’avait pas présenté à la censure de l’époque son anthologie monumentale sur les Rebetica, expression musicale des refugiés d’Asie Mineure mais aussi du sous prolétariat du Pirée, d’Athènes et de Salonique. Cette anthologie regroupe plus de 1500 chansons dont un grand nombre Petropoulos avait appris par son père. Lors de sa deuxième incarcération, il écrit en prison un dictionnaire du langage d’homosexuels grecs connu sous le titre Kaliarda.

Après sa libération, il rencontre l’ethnologue Mary Koukoulés qui deviendra sa compagnon pour le reste de sa vie. Il quitte la Grèce avec elle et il s’installe à Paris où il écrit Le manuel du bon voleur, œuvre qui lui vaut une nouvelle condamnation de 11 mois de prison par la justice grecque.
 
Petropoulos ne rentrera jamais en Grèce mais il continuera à écrire toujours en grec en maintenant des rapports très étroits avec l’actualité politique et culturelle ainsi qu’avec les différents aspects de la société grecque. Esprit iconoclaste, boulimique de travail, il a exploré différents champs et sujets tels que le folklore urbain, (portes, fenêtres, puits etc.), les cimetières, Salonique, les Tziganes, les voleurs, les marginaux de toute sorte, tout ce qui appartient d’ après son ami Jacques Lacarrière à la « Grèce de l’ombre ». En conflit souvent avec l’orthodoxie du discours académique et les idées reçues de son époque, il continue à écrire des articles sur des journaux et des revues grecques. Pourtant même s’il a écrit plus de 80 ouvrages, peu de ses oeuvres ont été traduites dans de langues étrangères.
 
Il meurt à Paris en 2003 et ses cendres ont été dispersées dans les égouts selon ses dernières volontés. Lacarrière écrit en forme d’épitaphe: “Historien de l’ombre, spéléologue des bas-fonds, Magellan des continents perdus, chantre des silencieux, biographe des anonymes, Petropoulos fut tout cela à la fois. Sans oublier son rire, son rire inimitable ! Ni la constance et la ferveur de son culte pour les deux havres de sa vie: la femme et le trésor des mots”.

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