Le bassin de l’Attique est bien délimité par les imposantes montagnes qui l’entourent, le mont Parnés et le Pentélique au Nord, l’Hymette à l’Est et l’Aigalée à l’Ouest ainsi que par le littoral vers le Sud. A l’intérieur du bassin, il existe plusieurs grandes ou petites collines, comme le Lycabette et l’Ardittos, et surtout le rocher imposant et sacré de l’Acropole autour duquel la ville d’Athènes est née, avec une présence humaine attestée dès le Néolithique. La géomorphologie des montagnes et des collines a peu changé pendant les siècles. Ce qui a changé, c’est la disparition des rivières et des ruisseaux qui parcouraient le territoire athénien à cause de la grande transformation provoquée par le développement urbain. Ces rivières n’ont cessé de traverser la ville à ciel ouvert jusqu’aux premières années après la Seconde Guerre mondiale et de couler sous les rues, les immeubles et surtout les grands boulevards d’Athènes pour déboucher dans le golfe de Faliro!

Le plus grand fleuve d’Attique depuis l’antiquité fut le Kifissos. Ce sont toutefois deux autres fameuses rivières d’Athènes qui attirent notre attention ici: l’Illisos et l’Éridanos. L’Éridanos traversait la ville ancienne et l’Illisos coulait juste en dehors de ses remparts antiques. La seconde, aussi appelée Ilissus ou Elyse, trouve sa source sur les pentes de l’Hymette et elle coulait au Sud-est d’Athènes antique avant de rejoindre le Kifissos. Les Grecs anciens croyaient que sur ses rives habitaient les muses (ils ont même construit un autel qui leur était consacré); Socrate et ses élèves passaient, quant à eux, plusieurs heures en se promenant au bord de la rivière ou en discutant sous les arbres. La rivière passait devant le Stade panathénaïque et la colline d’Arditos. Les textes anciens, gravures du XVIIIe et du XIXe siècle, reproductions, photos des premières décennies du XXe siècle évoquent ainsi le paysage idyllique qui entourait Athènes au cours des siècles. Tout au long de son histoire, il a vécu cependant plusieurs transformations : des temples ont été construits et détruits sur ses rives, un pont romain unissait la ville ancienne avec le stade panathénaïque et a été démoli pendant l’occupation Ottomane ; après 1922, des refugiés Grecs de l’Asie Mineure construisaient leur petites maisons sur les bords de la rivière jusqu’à son enfouissement et sa canalisation totale au début des années 60. Aujourd’hui, il coule entièrement de façon souterraine, sous l’avenue Mikalakopoulou afin de passer par la suite par la rue Vassileos Konstantinou, devant le stade Panathénaïque et continuer sous l’avenue Kallirois, avant de trouver sa sortie vers le golfe de Faliro. Seule une petite partie du lit asséché de la rivière ancienne sacrée (sa canalisation passe juste à côté sous la rue) existe encore à ciel ouvert, caractérisée comme un site archéologique, entre l’Olympiéion (le temple de Zeus), et l’église d’Agias Foteinis.

L’Éridan ou l’Éridanos, l’un des éléments naturels invisibles de la ville d’Athènes, qui prend ses sources dans la colline de Lycabette, traverse souterrainement tout le centre d’Athènes moderne (et ancienne) pour joindre d’abord l’Ilissos et par la suite le Kifissos, sous la terre toujours, après des apparitions courtes, mais émouvantes, à la place de Monastiraki, à la station de métro de Monastiraki (découverte récente grâce aux travaux pour la construction de métro) et bien sûr au site archéologique de Kerameikos. Contrairement à l’Ilissos, l’Éridanos a été partiellement recouvert déjà à l’époque romaine par l’empereur Hadrien parce que son voisinage avec la ville d’Athènes et l’Agora l’avait transformé en un égout naturel. Les eaux de l’Éridanos parcouraient le quartier de Kolonaki, au pied du Lycabette – certains parlent du ruissèlement du courant d’eau qu’on peut entendre dans le sous-sol des immeubles de la rue Démocrite- pour arriver à la place de Syntagma, avant de descendre, via la rue Mitropoleos et la rue Ermou, vers l’agora ancienne et le Kerameikos.

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Ces deux rivières ont souvent été citées par les écrivains de l’Antiquité. Elles ont joué un rôle important dans la vie quotidienne de la ville. D’après une étude de l’Institut d’études géologiques et minéralogiques d’Athènes, au delà l’Illisos et l’Éridanos, la plupart des rues d’Athènes cachent une rivière ou un cours d’eau souterrain. A la fin du XIXe siècle, 700 torrents, fleuves et ruisseaux traversaient le bassin athénien mais aujourd’hui ils ne dépassent pas les 50. Le monde souterrain n’arrête pas à attirer notre imagination et le sol d’Athènes est loin d’avoir révélé tous ses secrets. Avis aux amateurs donc! Considérées comme des dieux à l’époque de la Grèce antique, ces rivières n’ont plus comme traits d’existence que quelques indices dans le paysage de la ville contemporaine, mais la nostalgie qui découle de la lecture des textes anciens, du regard porté sur les gravures des derniers siècles ou les photos anciennes ne cessent de nous faire rêver.