Tonia Marketaki est l’une des représentantes du Nouveau Cinéma Grec. Son œuvre constitue par sa subtilité une expression caractéristique de la sensibilité féminine. Elle a mené une vie courte mais pleine d’action intellectuelle et artistique, restant fidèle jusqu’au bout à ses valeurs esthétiques.
 
Née en 1942 au Pirée, elle rêve faire des films dès l’âge de 10 ans, quand elle découvre les Jeux Interdits de René Clément. Elle suit des études en tant que boursière à l’Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (IDHEC) à Paris, en même temps qu’Angelopoulos, Panayotopoulos et d’autres figures emblématiques du cinéma grec contemporain. De retour en Grèce, elle travaille d’abord comme rédactrice artistique et critique du cinéma pour la presse athénienne. Son premier court-métrage en 1967, Jean et le chemin l’emmène en prison, sous le régime des colonels. Elle s’enfuie à Londres où elle collabore comme assistante au montage avec Jean Luc Godard et Nicholas Ray. Pendant son exile, elle se trouve aussi à Alger, où elle tourne des documentaires pour des agriculteurs illettrés.
 
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Son premier long-métrage voit le jour en 1971 et suscite des réactions très vives. C’est Ioannis, le violent, qui gagne les prix de réalisation, scénario et meilleur rôle masculin au festival de Thessalonique et représente la Grèce aux festivals de Berlin et de San Remo. C’est un film très original, un commentaire social et psychologique de la Grèce des années ’60. La scénariste et réalisatrice entreprend ici une critique subtile du pouvoir et de la loi, pleine du sarcasme et de l’humour noir. Ioannis est un homme dérangé qui vit aux fantasmes érotiques de pouvoir et de domination sur l’autre sexe. Il passe aux aveux du meurtre d’une jeune femme et se mêle dans une aventure révélatrice de l’absurdité des autorités publiques et de la presse.
 
En 1976, sa tentative de tourner un film de science-fiction, une idée très avant-garde pour les données cinématographiques grecques de l’époque, va échouer.
 
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Le Prix de l’amour
(1984) est sans aucun doute le chef d’œuvre de Marketaki. Il s’agit de l’adaptation de la nouvelle de Constantin Theotokis L’honneur et l’argent dont le scenario est signé par la réalisatrice. Film des mœurs de la société du début du vingtième siècle et de l’émancipation féminine qui permet à la realisatrice d’explorer le rapport entre amour et argent. Vêtu de la musique d’Eleni Karaindrou, le film fait un succès artistique international. Il est honoré de sept prix au Festival de Thessalonique, du prix du meilleur film méditerranéen (Festival Bastia, Corse) et s’inscrit dans les dix meilleurs films grecs à partir de 1960 par l’International Film Guide.
 
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Marketaki fait aussi la réalisation d’une série télévisée (Lemonodasos, 1977), et plusieurs mises en scène, surtout au Théâtre d’Etat de la Grèce du Nord. De plus, elle produit des émissions à la radio, écrit des poèmes et des récits, traduit du français et de l’anglais des auteurs importants, tels qu’Apollinaire, Gerson, London etc. et adapte en grec moderne des fameuses tragédies (Antigone, Oedipe Tyran etc.). Son dernier film, Nuits de Cristal (1992), représente la Grèce dans 20 festivals internationaux et gagne plusieurs prix.
 
Elle meurt brusquement en 1994 d’une crise cardiaque. Son œuvre, riche et variée, reflète un esprit large et aigu à la fois, qui a laissé une trace remarquable aux arts et lettres grecs de la fin du dernier siècle. (Voir vidéo en grec)