He was BEAT — the root, the soul of beatific.
Jack KEROUAC, On the road

Ouvrez les fenêtres, ouvrez les âmes — voyez Kerouac le Musagète qui passe, Dionysos en même temps qu’Apollon dans son pantalon étroit, souvent pas rasé, toujours beau, sans du tout craindre le déclin qui l’a nourri, car c’est lui qui apporte, dans son âme et entre ses jambes, la semence d’une grandeur nouvelle.

Ouvrez les fenêtres, ouvrez les âmes — Kerouac passe couronné de lumière, buvant le nectar de la vie quotidienne où qu’il se trouve, buvant et offrant le nectar qui coule plus que le Niagara, quand le désir en nous l’emporte et l’homme béni prête serment sur le “par ce signe tu vaincras” de l’amour.

Ouvrez les fenêtres, ouvrez les âmes — le grand Jack passe, voyez le donc, en bus, en train traversant les Etats-Unis (Missouri Pacific, Union Pacific, Great Northern Railroad, Rock Island Line), là où paissait le bison jadis et où sifflaient des Indiens les flèches, dans des trains ou des voitures de hasard (Dodge, Hudson, Cadillac, Ford-Galaxy, Ford Thunderbird, et je dirai aussi, avec une émotion plus profonde, la petite, la pauvre, la très douce Lizy, tas de tôle prophétique) le grand Jack passe, des rivages de l’Atlantique jusqu’aux rivages du Pacifique, par les villes et par les déserts (Denver, New York, Los Angeles, Chicago, San Francisco), des calmes les plus suaves au déchaînement de la tempête sur la savane ouverte, enjambant les grands fleuves (Missouri, Potomak, Susquehanna) Kerouac passe, un mouchoir autour du cou, la ceinture tombant sur les hanches, le poète-apôtre de On the road, le poète des Subterraneans, le grand Jack passe, avec un peu de William Cody dans l’allure et dans ses cuisses robustes, chantant à sa façon des chants pleins, adamiques, des chants voisins de par leur sens profond avec les chants de Walt Whitman, qui renferment toujours toute l’ivresse de la vie et la fraîcheur de la verdure.

Oui, oui, ouvrez les fenêtres, ouvrez les âmes — Kerouac le Musagète passe, donnant au mot hitchhiking son sens le plus sacré, croyant en Dieu par les sens, traînant après lui un chœur qui fait le tour de la planète, un chœur de garçons et de filles cheveux dénoués, aux floralies des prairies, sur les charbons ardents des voluptés, sur les charbons ardents des lubricités terrestres ou souterraines (avec le bop, le twist, le rock ‘n roll, les voix des nègres), et ainsi, tandis qu’il passe — ouvrez les fenêtres, ouvrez les âmes — des entrailles de la terre et des lèvres de la jeunesse universelle jaillit et résonne jusqu’à l’Eden, et jusqu’à l’Eden parvient, cri de guerre et prière, battement de cœur géant d’orgasme qui approche, une clameur immense et souveraine :

BEAT, BEAT, BEATITUDE AND LOVE AND GLORY !

 

Traduction: Michel Volkovitch

Photo: Walt Whitman et Jack Kerouac

 
Le poème original en grec sur notre page facebook
 

TAGS: poésie