Georges Seferis, de son vrai nom Georges Seferiadis, est ne au tournant du siècle en 1900, à Smyrne, ville perdue qui l’accompagne de façon mélancolique tout au cours de sa vie. Diplomate de carrière, lauréat de Prix Nobel de Littérature en 1963 meurt en 1971 et ses funérailles sont accompagnées d’une grande manifestation contre la dictature des colonels. Ami de T. S. Eliot, de Henry Miller et de Laurence Darrel, se consacre aussi à l’art subtil de la traduction. Ses poèmes liés à la fameuse ‘’génération de 1930’’ révolutionnent la poésie
néohellénique avec la simplicité et la clarté de leur langue. Seferis allie le symbolisme aux traces du passé souvent visibles autour des nous sous la forme des ruines.
 
Les amis perdus, les compagnons morts, l’angoisse existentielle mais aussi le désir de parler simplement sans les apports du lyrisme sont des éléments présents dans son œuvre. Mythistorima écrit en 1935 demeure l’un des recueils les plus représentatifs du poète. 

Mithistorima 
 
 
Nous ne les avons jamais connus. 
 
C’était l’espoir, au fond de nous, 
 
Qui disait que nous les avions dès notre enfance connus. 
 
Nous les avons vus deux fois, peut-être, puis ils gagnèrent leurs bateaux 
 
Cargos de charbon, cargos de céréales, et nos amis 
 
Disparus de l’autre côté de l’océan, pour jamais. 
 
L’aube nous retrouve près de la lampe fatiguée 
 
A dessiner avec effort sur le papier, maladroitement, 
 
Des navires, des sirènes et des coquillages. 
 
Le soir nous descendons vers le fleuve 
 
Parce qu’il nous désigne le chemin de la mer 
 
Et nous passons nos nuits dans des sous-sols qui sentent le goudron. 
 
Nos amis sont partis 
 
Peut-être ne les avons-nous jamais vus, 
 
Peut-être les avons-nous rencontrés quand le sommeil encore 
 
Nous menait près de la vague qui respire, 
 
Peut-être les cherchons-nous parce que nous cherchons cette vie autre 
 
Au-delà des statues. 
 
Traduction Jacques Laccarière