Maria Polydouri (1 avril 1902- 29 avril 1930) était une notable poétesse grecque. Souvent assimilée aux poètes maudits français, sa poésie reflète un charisme lyrique. Esprit progressif et agité jusqu’à la fin, elle a écrit ses meilleurs poèmes à l’hôpital avant de mourir très jeune à l’âge de 28 ans. La fin prématurée de Polydouri, ainsi que sa relation amoureuse désespérée avec le poète Kostas Karytatakis (1896–1928),  l’ont marquée comme une légende dans la littérature grecque. GreceHebdo rend hommage à cet esprit libre de lettres grecques, 90 ans après sa mort. 
             
                                                                                                                                          
Maria Polydouri est née le 1er avril 1902 à Kalamata. Fille du philologue Eugene Polydouris et de la féministe Kyriaki Markatou, elle a passé son enfance avec ses quatre frères et sœurs (Pepi, Virginia, Kostis, Evangelos) à Gythio, Filiatra et Kalamata, où elle a terminé ses études secondaires.
 
En 1916, à l’âge de 14 ans, elle publie son premier poème La Douleur de la Mère, qui fait référence à la mort d’un homme qui s’est échoué sur les rives de Filiatra. Polydouri fut profondément influencée par cet évènement ainsi que par les lamentations entendues à la péninsule de la Magne.  La même année, elle réunit ses poèmes dans le recueil Margarites, qu’elle ne publie pas. En 1918 elle réussit le concours de la Préfecture de la Messénie et commence à y travailler. En 1920, à l’âge de 18 ans, elle assiste à la mort de ses parents ; d’abord son père meurt soudainement par pneumonie et quarante jours plus tard sa mère, souffrant déjà d’adénopathie, décède.
 
Suite à ces évènements qui l’ont marquée profondément, la jeune Maria s’est transférée à la Préfecture d’Attique et s’est inscrite à la Faculté de Droit de l’Université Nationale et Capodistrienne d’Athènes en septembre 1922.   
             
La brève histoire d’amour avec Kostas Karyotakis
 
C’est en 1922 à Athènes qu’elle fait la connaissance du poète Kostas Karyotakis  (1896–1928) qui travaillait aussi dans le même service de la Préfecture d’Attique. La grande passion qui se développa, bien que courte, influença de manière décisive sa vie et son travail jusqu’à sa mort. Polydouri avait alors 20 ans et n’avait publié que quelques poèmes originaux, tandis que Karyotakis avait 26 ans et avait déjà publié deux recueils de poésie : « La Douleur de l’homme et des choses » (1919) et  « Népenthès » (1921) ayant gagné le respect de certains critiques et cercles littéraires.
 
Pendant l’été 1922, Karyotakis découvre qu’il souffre de syphilis, une maladie incurable et porteuse de stigmatisation sociale à l’époque et demande à Polydouri de mettre fin à leur relation. Décidée de se battre pour leur amour, elle lui propose de se marier sans avoir d’enfants, mais il réfute sa proposition et le couple se sépare en septembre 1922 à la grande déception de Maria. 
 
Maria Polydouri en el centro acompanada por Kostas Karyotakis a la izquierda Date 21 June 1925
Kostas Karyotakis (à gauche) et Maria polydouri (centre), le 21 juin 1925. Source: Wikimedia Commons.
 
Fiançailles, séjour à Paris et retour à Athènes
 
Esprit libre et anticonformiste, luttant pour la liberté des femmes depuis très jeune, Polydouri menait une vie contre les normes de son époque, ayant nombreux admirateurs et amants pendant toute sa vie.  En 1924, elle a fait la rencontre de l’avocat Aristotelis Georgiou et s’est fiancée avec lui au début de 1925, même si elle restait toujours amoureuse de Karyotakis.
 
La même année elle abandonne ses études de Loi, perde son travail à la Préfecture (suite aux absences répétées) et s’est inscrite à l’école d’art dramatique du théâtre national ; Polydouri apparaît comme actrice dans la mise en scène de Scampolo de Dario Niccodemi dans lequel elle tenait le rôle principal et par la suite elle abandonne le théâtre aussi.
 
Polydouri ethniko 1925
Polydouri (debout, (à gauche) avec la troupe du Théâtre national en 1925. Source: Wikimedia Commons.
 
En septembre 1926 elle rompt ses fiançailles avec Georgiou et en décembre se rend à Paris afin de suivre des cours de couture à l’école Pigier.
 
En 1927, déjà en mauvaise santé, elle contracte la tuberculose et la jeune poétesse est soignée à l’hôpital Charité de Paris pendant un mois. En mars 1928 Polydouri prend le train pour Marseille et puis le bateau pour Pirée afin d’être hospitalisée au sanatorium Sotiria.
 
A l’hôpital, elle se lie amicalement avec le poète Yiannis Ritsos (1909-1990) qui y est également traité. Kostas Karyotakis lui rend une visite à l’hôpital Sotiria en printemps 1928 avant de se rendre à Préveza où il se suicide le 20 juillet 1928.  Cette nouvelle sera encore un grand coup pour Maria qui recommence à écrire et publie son premier recueil Ces légers gazouillis en 1928 et son deuxième, L’Écho sur le chaos en 1929. Elle meurt de tuberculose au matin du 29 avril 1930, après avoir pris une série d’injections de morphine à la clinique Christomanos.
 
hospital charite paris
L’hôpital Charité de Paris où la jeune poétesse est soignée en 1928. Source: Wikimedia Commons.
 
L’empreinte littéraire de Polydouri
 
Maria Polydouri appartient à la génération des poètes grecs néo-romantiques n de l’entre-deux-guerres, aux côtés de noms tels que Tellos Agras, Kostas Karyotakis, Napoleon Lapathiotis, Kostas Ouranis. Dans ses premiers poèmes (avant son voyage à Paris en 1926), on y trouve de fortes influences du symbolisme, tandis qu’après sa maladie et son retour à Athènes, l’élément mélodramatique est en recul et sa poésie devient plus élaborée. Pourtant, son écriture reste toujours chargée d’émotions, tout en tournant autour des axes de l’amour et de la mort. Dans les mots du critique et poète Kostas Stergiopoulos : « Maria Polydouri écrit des poèmes comme si en écrivant un journal intime » ; autrement dit, sa langue poétique possède « toutes les idéalisations et les exagérations romantiques de sa nature ». Elle aimait d’ailleurs regarder «avec l’âme dans le regard», selon une expression de la poétesse.
 
polydouri 1920
 Maria Polydouri, circa 1920. Source: Wikimedia Commons.
 
Outre sa poésie, Polydouri a aussi laissé deux œuvres en prose, son journal et un roman sans titre dans lequel elle attaque le conservatisme et l’hypocrisie de son époque. Ses poèmes (ou au moins une partie d’entre eux) sont traduits en français, bulgare, catalan, néerlandais, allemand, italien, roumain, espagnol et suédois.
 
Magdalini Varoucha | GreceHebdo.gr
 
* Photo d’introduction: Maria Polydouri, circa 1928. Source: Wikimedia Commons/ Archives ELIA
 
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M.V.