Quelles sont vos priorités en tant qu’ambassadeur de Belgique à Athènes? 

En tant qu’ambassadeur, je tente avec mes collaborateurs de contribuer à une approche constructive dans la coopération entre la Grèce et ses partenaires européens surtout dans le contexte actuel de crise économique et financière.

Par exemple, la Belgique s’inscrit pleinement dans le processus de réforme à long terme initié dans le cadre de la Task Force for Greece à travers la fourniture d’assistance technique dans plusieurs domaines essentiels comme la collecte et le recouvrement des impôts, la santé publique ou encore la Justice.

Nous apportons également un message positif de solidarité à la population grecque et ce notamment à travers des activités culturelles comme Things from Belgium, un cycle de concerts qui, au cours des deux dernières années, a amené des musiciens belges à se produire à plusieurs reprises à Athènes mais également dans le Péloponnèse, en Crète ou dans les îles (Rhodes, Syros, Myconos…). Nous partirons dans ce cadre vers Thessalonique et Veria dès le mois de septembre.

Nous portons également une attention particulière à la question migratoire car la majorité des personnes en séjour irrégulier et des demandeurs d’asile qui arrivent en Belgique est passée par la frontière entre la Grèce et la Turquie. Dans la mesure du possible, par des visites et des échanges avec les autorités, y compris au niveau local dans les zones frontalières, nous tentons de contribuer utilement à la gestion de ce dossier complexe qui a un impact sur l’ensemble du système Schengen.

Que signifie pour vous d’être à ce poste à un moment difficile pour la Grèce?

Tout d’abord, je voudrais souligner qu’indépendamment de la crise qui la traverse, la Grèce est traditionnellement un partenaire important pour la Belgique : les échanges touristiques sont importants, beaucoup de grecs étudient ou vivent en Belgique, de même la communauté belge en Grèce est assez vaste, le commerce et les investissements, bien que touchés par la récession, restent significatifs en volume. En outre, nos pays sont de taille comparable ce qui renforce le sentiment d’égalité et de respect entre nous.

Mais l’on ne peut nier que nous vivons une période charnière dans l’histoire de la Grèce car la crise touche aux fondements de la société. En outre, elle interroge également les deux réalisations les plus abouties de l’Union européenne : l’Euro et l’espace Schengen. A ce titre, j’ajouterai que les solutions à ces problèmes, tant pour la Grèce que pour l’Union européenne, résident dans « plus d’Europe » (fiscalité, union politique, etc.) plutôt que dans le repli sur soi nationaliste.

Notre ambassade travaille donc relativement plus qu’en des temps plus « paisibles » mais, à l’inverse, nos rapports bénéficient également d’une attention accrue de la part de nos collègues à Bruxelles qui sont intéressés par l’évolution de la situation.

Quelle est la pertinence des rapports bilatéraux au moment de la construction européenne?

Bien sûr, l’on pourrait effectivement penser à première vue que l’Union européenne rend les rapports bilatéraux moins pertinents puisque les discussions se passent entre experts à Bruxelles. Mais ce n’est pas le cas. Pour chacune des positions prises par des représentants grecs au niveau européen, il y a des explications qui sont à rechercher dans la réalité du terrain et dans les rapports entre institutions nationales. Si un pays doit faire preuve de solidarité vis-à-vis d’un autre état membre, il convient d’en expliquer clairement et de manière pédagogique les raisons de manière à ce que les responsables politiques puissent, à leur tour, justifier leur action devant le parlement et la population.

C’est pourquoi, outre les divers aspects culturels, économiques et politiques que j’évoquais avant, la relation bilatérale conserve toute son importance. La compréhension mutuelle et l’analyse des situations locales ne peuvent s’effectuer que dans le cadre d’une présence permanente et de qualité dans l’autre pays. A défaut, les seuls échos portés d’une capitale à l’autre seraient ceux qui sont relayés par les médias, ce qui est malheureusement parfois réducteur.

Quelles sont vos impressions sur la vie à Athènes et ses habitants?

A nouveau, l’impact de la crise est visible dans le quotidien de la capitale que je connais bien pour avoir vécu plus de 30 ans avec mon épouse grecque et avoir été en poste à Athènes il y a 20 ans. C’est une ville très vivante qui conserve une agréable douceur de vivre. Outre les arbres fruitiers et la richesse culturelle qui saute aux yeux, ce qui frappe l’habitant du nord de l’Europe est certainement la bienveillance et la convivialité des rapports entre personnes.

Mes collaborateurs qui ont des enfants en bas-âge me disent qu’ils sont très heureux de voir l’accueil qui est fait aux petits partout où ils vont. Les liens familiaux et sociaux donnent du sens dans ces temps de doute. J’espère sincèrement que l’évolution de la société ne fera pas disparaître ces traits humains et positifs de la vie en société à Athènes et en Grèce en général.

Entretien accordé à Costas Mavroïdis

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