Mosaïste et sculptrice, née en 1955 à Budapest d’un père sculpteur (Agamemnon Makris dont l’expo continue jusqu’au 15 février à Athènes), et d’une mère franco-yougoslave, mosaïste et graveur (Zizi Makris), Clio Makris a passé plusieurs années en France et vit actuellement en Grèce, dans le quartier de Mets à Athènes. Diplômée de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris en 1980, elle travaille sur la mémoire, le temps, l’enfance et les racines qui façonnent chaque être humain.

 
GrèceHebdo a interviewé* Clio Makris à l’occasion de son expo sur l’holocauste qui dure jusqu’au 10 février 2017 aux locaux des  éditions Gavriilidis. Le titre de cette expo, “L’enfant avec le genou blessé” fait référence au poème homonyme d’Odysseas Elytis, publié en 1943, et met en lumière le déplacement de milliers d’enfants juifs dans les camps de concentration nazis.
 
Clio Makris exerce, en complément de la sculpture, l’art-thérapie à Athènes.  Elle a réalisé de nombreuses expositions collectives et personnelles à Athènes, Paris, Budapest, Salonique et Ioannina.
 
memos zizi kleio
 
Vous êtes fille du sculpteur grec Agamemnon (Memos) Makris et de la mosaïste et graveur franco-yougoslave Zizi Makris. Quelle est l’influence que votre famille et surtout votre père ont pu exercer sur votre création artistique. 
 
Naturellement, j’ai grandi dans une ambiance artistique marquée par un travail créatif très intense. Mes deux parents travaillaient tous les deux toute la journée. Il me serait difficile de les séparer. Ce qui m’a surtout marquée, c’est leur façon de voir la vie. A cette époque, à Budapest, l’artiste était très valorisé. Il était reconnu  tout en gardant une place importante dans la vie sociale et culturelle. Aujourd’hui, en tant qu’adulte et artiste moi-même, je peux voir ce qui persiste de  celle influence. Chez mon père, qui était sculpteur monumental, l’espace et les trois dimensions dans l’environnement avaient un rôle très important. Ce qui prime, c’est le regard du sculpteur.  Il travaillait aussi sur la recherche de la matière. On l’appelait le « poète du métal »…
Il y avait aussi chez ma mère une dimension très poétique, et une recherche au niveau de la matière (gravure, mosaïque, tapisserie). Elle travaillait aussi dans le mural, d’où le rapport avec l’environnement. Mais je retiens surtout chez elle son sens d’observation de la vie, de l’être humain. On trouve ainsi beaucoup de points communs entre les deux, au niveau de l’anthropocentrisme, et sur leur regard  sur la vie et l’être humain.
 
Cleio Makri3
 
Vous travaillez beaucoup sur la mémoire et les racines. Est-ce que cela est lié à votre parcours personnel ?
 
Force est de constater que pendant mon enfance à Budapest, j’étais finalement très entourée de personnes déracinées, coupées de leur mémoire. J’étais toujours très préoccupée  par la question des origines, de l’histoire personnelle de chacun, de leur vécu. Dans toutes ces ruptures, je recherchais la continuité, au sein de l’histoire, avec grand ou petit H. C’était une époque très particulière qui certainement m’a marquée. 
Aujourd’hui, je suis amenée à m’occuper beaucoup des archives familiales. Quant à mon travail, je me suis toujours inspirée des choses de la vie, comme par exemple mon intérêt pour les enfants. Au cours de mon exposition précédente, sous le titre « Ce temps qu’on dit perdu », je voyais que le temps a des dimensions différentes, selon le vécu, qu’il n’est jamais perdu. Cette exposition, aux éditions Gavrilidis, fait partie d’un thème en rapport avec le temps et la mémoire. Ce qui me plaît dans ce sujet des enfants disparus, s’inscrit dans un thème plus large : « On n’oublie pas mais on n’exploite pas ». C’est une série d’événements en hommage à l’holocauste, qui se déroulent au mois de janvier.  L’enfance, le jeu, est un sujet qui m’inspire beaucoup. J’ai vu une plaque dans un square à Athènes qui était destinée aux enfants enlevés par les Nazis, qui m’a motivée pour cette exposition. En même temps, le jeu à cette époque était plus physique et collectif qu’aujourd’hui. Ceci se perd de nos jours et on est appelé à retrouver ces choses-là. J’éprouve beaucoup de respect pour la période de l’enfance, c’est aussi en relation avec le temps.  
 
Cleio Makri4
 
Vous êtes grecque, née à Budapest avec le français comme langue maternelle. L’identité nationale signifie quoi pour vous ?
 
Oui, c’est un peu compliqué, ce sont des conditions assez particulières et j’ai du mal à me définir. Pour moi, l’important c’est la langue, mais je me sens fondamentalement grecque.  J’ai aussi beaucoup d’affinités avec le hongrois, par exemple je compte toujours en hongrois, mais je ressens un fond de culture française. C’est une situation ambigüe, mais c’est une richesse d’appartenir à plusieurs cultures. Je suis parfois déphasée, mais je ne me sens pas déracinée. Je ne ressens pas de nostalgie pour un pays ou un autre, je pense avoir établi mes racines en Grèce.
 
* Interview accordée à Magdalini Varoucha

 
INFOS PRATIQUES
Exposition de Clio Makris « L’enfant avec le genou blessé »
«Poems ‘n Crimes», Editions Gavriilidis,
17 rue Agias Irinis, Monastiraki, Athènes 
Téléphone: +30 210-3228839
 
 
 
 
 
 
 

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