Tilemachos Moudatsakis, auteur et metteur en scène grec, présente au Théâtre Municipal Berthelot Montreuil (Paris) les 24 et 25 février la création « Oedipe Roi » de Sophocle en grec (sur-titré en français).

Originaire de Héraklion (Crète) Tilemachos Moudatsakis est professeur de la théorie et de  la pratique du théâtre auprès  de l’Université de Crète. En tant que metteur en scène, il a travaillé avec le Théâtre National et le Théâtre National de Grèce du Nord (TNGN) alors qu’  il est fondateur du « Théâtre des Vivi ». A plusieurs reprises il a mis en scène en assurant aussi la traduction des œuvres d’Euripide (festival international d’Avignon 2011), Aristophane, Shakespeare, Molière, Calderon, Beckett, Nikos Kazantzakis,  etc.   Son premier roman “Amfia etairas“, a été nominé pour le Prix d’État en 2008.

A propos de son spectacle à Paris – qui se présente  en partenariat avec le Bureau de Presse et de Communication de L’Ambassade Grecque, La Maison de La Grèce, La Communauté Hellénique et les Amis du Théâtre Berthelot- Tilemachos Moudatsakis a accordé un entretien à GrèceHebdo*.

Vous êtes  metteur en scène, traducteur, professeur en théorie du théâtre et spécialiste du drame antique. Selon vous, quelles sont les leçons qu’on peut tirer aujourd’hui du drame antique?

Il est, en effet, étrange de constater une série d’enseignements, de leçons qui proviennent du théâtre antique. D’abord, les monologues et les stichomythies qui accélèrent le rythme de l’action et surtout le texte poétique d’une extrême densité, les maximes qui font triompher la sagesse et la mesure quand l’équilibre est menacé par les actes impurs des personnages, tout cela offre un panorama de toutes sortes d’idéaux pour le public d’aujourd’hui. Aussi importantes sont les “leçons” inspirées, cette fois par le théâtre antique. Pensez à Freud, qui par l’analyse du complexe d’Oedipe a ouvert un grand chapitre et un champ infini d’étude dans la psychanalyse, pensez aussi à l’opéra de Wagner etc… D’ailleurs toute œuvre grandiose, comme le théâtre antique- un des plus grands achèvements de l’esprit de l’homme- constitue un archétype.

Orestis Tilemachos Moudatsakis

Croyez –vous au caractère universel du drame antique ? Est-ce que ceci peut « parler » de la même manière aux grecs et aux français ?

Absolument. Le drame antique avait mis en scène toutes les catégories de passions de l’Homme et les avait traitées à partir de la notion de L’Eris : le conflit des éléments divergents. Cette Eris qui renvoie au combat qui se mène, non seulement entre les éléments de nature contraire, mais aussi entre les éléments qui appartiennent à la même famille (comme les Labdacides ou Les Atrides), cette Eris est donc la quintessence de la culture grecque et par la suite de la culture occidentale. Tous les grands dramaturges comme Racine et des plus modernes comme Anouilh ont assimilé le message du théâtre Antique et ils ont créé des chefs d’œuvres, comme Phèdre et Antigone. Et ils ne sont pas les seuls créateurs occidentaux qui ont été inspirés par Eschyle, Sophocle ou Euripide mais aussi les orientaux, il y a eu surtout des metteurs en scène qui ont donné leur point de vue en proposant des représentations remarquables.

Parlez-nous un peu d’Œdipe : quels sont les éléments de cette œuvre emblématique que vous voudriez  faire parvenir à vos spectateurs et pourquoi ?

“Oedipe Roi” de Sophocle est le poème le plus parfait qui puisse être du théâtre antique. Ce sont les thèmes qui nous bouleversent, c’est le corps qui souffre, qui absorbe le châtiment en souffrant, c’est le crime involontaire et inévitable auquel est condamnée la nature humaine, cette innocence persécutée par cette destinée atroce, c’est le malheur incontournable qui menace l’homme. Oedipe est un homme symbole, universel effrayé par la nécessité, la déesse qui est en dessus de tous les Dieux.

Oedipe, qui, par un acte de vengeance s’enfonce dans les ténèbres en se crevant les yeux, est l’innocent désespéré qui verse son sang pour purifier le crime héréditaire voire poursuit la faible et fragile nature de l’homme. Mais ce qu’on veut faire parvenir aussi aux spectateurs, c’est le jeu scénique, notre méthode d’exprimer le tragique en tant que douleur à travers le corps des acteurs, un corps sacralisé par la souffrance,  qui sait transformer la malédiction en un rituel pacifié, en une bénédiction esthétique et morale. Ce jeu  transforme sur scène la force du destin en une force d’expression protestant du droit de vivre loin d’un crime qu’on est obligé d’accomplir, au seul titre d’ êtres humains.

Oidipous Tyrannos maketa de Fotopoulos

A l’heure actuelle, la scène théâtrale de Grèce est florissante, en dépit de la crise. Partagez-vous cette affirmation ?  Si tel est le cas, quelles sont les raisons derrière production abondante ?

En effet, la scène théâtrale en Grèce reste toujours florissante! Le théâtre est né en Grèce. C’est l’âme antique du pays qui survit et inspire les créateurs, écrivains, metteurs en scène, scénographes. D’autre part, c’est le climat, le sol même qui nourrit et conserve l’instinct créatif. Et de surcroît- c’est la persévérance du passé historique, une mémoire persistante de la beauté d’autrefois qui surgit du pays entier et  qui incite les gens à la création. Le théâtre est ainsi le moyen de résister à la crise économique. Aujourd’hui la création, l’œuvre d’art est la seule récompense pour les artistes, la seule satisfaction dans les privations de toutes sortes de la vie quotidienne,  la seule raison de notre existence car les ressources financières sont terriblement réduites.

Quelle est la réception de l’œuvre  grecque tant antique que contemporaine en France aujourd’hui ?

D’après mon expérience des dernières années au festival d’Avignon, l’œuvre théâtrale grecque a eu une réception exceptionnelle. Des metteurs en scène réputés, comme Olivier Py, montent assez souvent des tragédies comme les “Perses” d’Eschyle. Olivier Py, lui-même a monté une pièce d’un auteur contemporain grec, Yannis Mavritsakis. Cette pièce intitulée « Vitrioli »  a été reçue avec enthousiasme par le public français.

 * Entretien accordé à Magdalini Varoucha

vitrioli 2 Minas Hatzisawas et Charis Tzortzakis Boris Horvat

Infos pratiques
 
“Oedipe Roi”
Représentations : 24-25 fevrier 2017
Mise en scène et chorégraphies: Tilemachos Moudatsakis
Avec: Alexandros Psihramis, Christos Menelaos Baltas, Petros Tsapaliaris, Vaxevaneris Stylianos, Panagiotis Pantazis, Nina Aktypi
Musique Originale: Ifestion Vaxevaneris
Lumières: Carl Habib et Mathieu Patie
Réalisation de l’affiche: Marie Cayet
 
Dates et Lieux: 
Vendredi-Samedi, 24-25 février 2017 à 20:30 (6 rue Marcellin-Berthelot, 93100, Montreuil, France)

                                        

 

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