Patras, dimanche 18 février 2018. Les festivités du carnaval sont lancées depuis trois semaines. Elles s’achèvent avec l’habituelle parade voyant défiler une multitude de chars et de participants venus spécialement de toute la Grèce. Récit d’une journée placée sous les traits de la gaieté et de la dérision.

Le carnaval résonne souvent pour le sens commun autour des mêmes tonalités. On pense d’abord aux masques vénitiens le long des canaux de la ville d’Italie du Nord ou bien encore au soleil du Brésil avec les rythmes scandés de Rio de Janeiro. Chaque événement carnavalesque décèle ses propres spécificités à travers chacune des régions de notre planète. En Grèce, le carnaval de Patras fait figure de référence et gagnerait à être davantage connu dans le reste de l’Europe.

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Tous les chemins mènent à Patras

On m’avait prévenu : le carnaval de Patras est l’endroit où se retrouve l’ensemble du pays, surtout la jeunesse, pour y faire la fête. C’est une occasion à ne pas manquer pour quelqu’un qui aime les festivités et qui souhaite découvrir les particularités du carnaval en Grèce. Pour sûr, je ne pouvais pas rater le départ.

A l’arrivée à la gare routière d’Athènes, je constate qu’on ne m’avait pas dupé. Tous les bus sont remplis et prêts à partir. La grande majorité des passagers sont âgés de moins de trente ans et s’apprête à profiter pleinement du carnaval qui a lieu au cœur de toutes les villes de Grèce. A la vue des costumes des plus élaborés, ma simple paire de lunettes, en forme de phallus, ne jouiront pas, pour sûr, du prix du bon goût. Elles auront été, en revanche, d’une utilité certaine pour favoriser la capture de nombreux clichés.

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Patras figure parmi l’une des premières villes à s’être soulevée contre l’occupation ottomane à partir de la décennie 1820. En attendant, c’est les troupes françaises en 1827 qui ont contribué à libérer la ville à l’occasion de l’expédition de Morée.  Ce ne serait, ainsi, qu’à partir de 1831 avec l’indépendance du pays que la coutume du carnaval aurait ressurgi et Patras symbolise la première ville où serait réapparu le phénomène. Certaines sources prétendent, en revanche, que cet événement ne daterait que des années 1860 avec la renaissance des bals provenant des Iles Ioniennes après leur rattachement à la Grèce.

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Il aura fallu environ trois heures pour se rendre à Patras situé au nord du Péloponnèse et figurant comme la quatrième ville de Grèce. L’événement prend place chaque weekend précédant le Lundi pur qui annonce le début du Grand Carême pour l’Eglise orthodoxe. Les festivités ne constituent en aucun cas une célébration religieuse pour les carnavaliers. Il s’agit en effet d’une fête traditionnelle, l’Apokria, datant de la période antique. Autrefois, la tradition des Apokries glorifiait la figure de Dionysos reconnu comme le dieu du vin et de la démesure ; ma paire de lunettes ne devrait certainement pas faire trop de vagues.

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Une ville pour une ambiance

Patras n’est bien évidemment pas connu que pour son seul carnaval, même si ce dernier contribue indéniablement à l’attractivité de la ville. Celle-ci possède l’appellation de « porte occidentale de la Grèce » car c’est ici que les ferries venus d’Italie, de France ou d’Espagne accostent. Cette ouverture sur l’Europe occidentale contribue au rayonnement de Patras notamment en terme de tourisme mais aussi du fait d’une attractivité culturelle manifeste. La ville fut capitale européenne de la culture en 2006 et si vous veniez à y faire un tour ne ratez pas la visite du second plus grand musée de Grèce construit pour l’occasion.

Arrivé pour l’heure du déjeuner, je découvre la ville qui se réveille progressivement des effluves ayant coulé à flot la veille. Les confettis jonchent la rue. Les semelles de chaussures collent sur le pavé du trottoir. Les cadavres de bouteilles s’allongent le long du caniveau. La fête est passée par là et s’apprête à redonner de la voix. Après avoir dégusté l’inévitable souvlaki, le défilé commence avec l’arrivée des premiers chars avec en tête de cortège un orchestre composé de toutes les tranches d’âge.

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La manifestation affiche des univers des plus hétérogènes représentant la satire, les cultures du monde, l’art jusqu’à l’univers de la fiction. Il ne faut pas s’étonner ainsi de croiser de jeunes mimes aux côtés d’une troupe en habit traditionnel japonais. De même, un char du Pasok, le Parti socialiste grecque longtemps au pouvoir puis disparu des écrans de radar électoraux, se retrouve entouré de moutons accompagnés des sons de cloche des troupeaux. L’autodérision fait partie prenante de l’événement au cœur d’une des villes les plus touchées par la crise économique. Au dessus de ces préoccupations, bonne humeur et euphorie se partagent le long du défilé entre tous les participants faisant oublier les conjonctures du quotidien.

Tout l’après-midi, les manifestants défilent sans interruption avant l’arrivée du crépuscule et des premières hordes imbibées d’alcool. Un bus rempli de festivaliers, jusque sur le toit, défile désormais sur le tempo d’une musique électro. L’harmonie paisible du début de journée laisse place progressivement au dévergondage de la nuit avec comme touche finale le traditionnel feu d’artifice scellant l’aboutissement des célébrations. Ou du moins, jusqu’à l’année prochaine.
 
Texte et photos: Hugo Tortel | Grecehebdo.gr
 
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M.V.
 

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