Philosophie, littérature, poésie, arts, science, politique, écologie, théories des médias : la revue  θ.ε.α. [Thèa – Thèmes de Sciences Humaines] rédigée et éditée à Bruxelles depuis 2006 « cherche à faire valoir les aventures de la pensée contemporaine », comme se précise dans leur site.
 
La lecture de Θ.ε.α est une vraie aventure pour la pensée et les sentiments: des textes théoriques autour des questions philosophiques, épistémologiques et  politiques, vont de paire avec des sujets littéraires et artistiques. Les textes se trouvent principalement en grec mais aussi en français et en anglais.
 
GrèceHebdo* a interviewé les deux personnes derrière Θ.ε.α : Georges Athanassopoulos, poète et traducteur, éditeur et responsable de rédaction, et Dionysis Antonopoulos, coordinateur et membre de rédaction de la revue. Les deux sont nés en Grèce et vivent depuis des années à Bruxelles.
 
 
Pourquoi un magazine pour la philosophie, la littérature, la poésie, les arts, la science avec des textes principalement en grec (mais aussi en français et en anglais) à Bruxelles? Qui êtes-vous et comment cette histoire a-t-elle commencé ?
 
Georges Athanassopoulos:  Quelques-uns des objectifs principaux de cette revue ont été : la mise en valeur des aptitudes philosophiques, scientifiques et artistiques des Grecs habitant en Belgique ; l’application du pluralisme sur les tendances, courants ou conceptions personnelles exprimés ; et la promotion prioritairement mais pas exclusivement  des intérêts, des préoccupations et des problèmes des parties travailleuses, bienveillantes mais relativement faibles des peuples grec et européens ou, plus en général, de ces couches de la société contemporaine. La revue Thèa – Thèmes de Sciences Humaines est rédigée et éditée à Bruxelles par un groupe d’hommes et de femmes plutôt hétérogènes idéologiquement mais concordant au travail, qui cherchent à faire valoir les aventures de la pensée contemporaine.
 
” Qui étais-je au début ? Qui suis-je maintenant ? ”   Georges Athanassopoulos. Né en Grèce, 1946. Sciences Politiques et Economiques, Athènes. Economie Politique post-Universitaire, Paris. Interprétation et Traduction, Corfou. De 1982 à 1997, traducteur au Conseil de l’Union Européenne à Bruxelles. Publication de deux recueils de poésies en grec. Entre 2003 et 2005 commence une nouvelle vie: celle de l’écriture en grec d’articles et d’études destinés à la publication (au journal Le Grec émigré – Ο απόδημος Έλληνας).
 
2006 : naissance de la revue ; et bientôt disparition du journal. Changement de public, exigences différentes. En 12 ans, 16 numéros. L’ âge…, les maladies… Heureusement, je n’ai pas été seul au travail. Dionysis était là, avec ses connaissances, ses capacités et ses sentiments. Mon épouse bien-aimée aussi, Else, était là avec ses encouragements, sa coopération en tant que membre du comité de rédaction et son aide multiforme. Car, il faut le dire, nous avons, tous les amis, créé une Association sans bût lucratif – La Vivifiante ASBL qui nous réunissait une fois par an au moins, pour un échange de points de vues et une prise de décisions.
 
” En quoi suis-je différent maintenant par rapport à 2006 ? ”  Si je vois la qualité de mes textes plutôt théoriques, je la trouve satisfaisante et stable – c’est-facile à vérifier si vous lisez le grec. (Vers la fin de notre numéro 15, il y a un catalogue des contenus de tous les numéros précédents). Concernant mes textes poétiques je suis très content d’avoir effectué les publications 1) de deux nouveaux recueils, 2) des deux tomes (Ποίηση Ι et Ποίηση ΙΙ) contenant la (presque) totalité  de mes poèmes (onze recueils) et 3) d’un petit livre de traductions vers le grec de poèmes français du 20ème siècle.
 
Il y a enfin une source supplémentaire de réponse à la question “qui êtes-vous?”. Il s’agit  des “Témoignages pour une voix neuve”, un livre de 84 pages, sorti à 2013 par le Saixpirikon et composé par des présentations et des critiques de ma poésie faites par des poètes et écrivains grecs de hautes réalisations.
 
Comme il était naturel, la formule de la revue a subi une évolution suivant la composition et donc les idées de notre groupe éditorial, se présentant à partir du numéro 11 sous un extérieur nouveau, qui est aussi reflété dans le contenu des textes choisis. Ce travail a été proposé et réalisé en grande mesure par mes amis Antoine Fyssekidis, Georges Alissanoglou et Dionysis Antonopoulos. Ma reconnaissance lessuivra toujours.
 
Dionysis Antonopoulos: Cela n’a pas commencé pour tout le monde de la même manière. Moi, par exemple, je ne faisais pas partie du groupe dès sa naissance mais mon “intégration” a y été effectué progressivement vers la fin du 2ème numéro. Dans les premier et quatrième numéros il y a des textes théoriques qui présentent les principes de la revue, mais je peux vous donner aussi mon point de vue personnel. Je me suis retrouvé dans les locaux de la revue et suite à une discussion avec le fondateur du magazine et maintenant un ami de cœur, George Athanasopoulos, nous avons réalisé que nous avions un code de communication commun. Au fil du temps nous nous sommes mis en contact avec des gens qui nous ont influencés, de manière plus ou moins significative, en laissant ainsi leur empreinte sur la revue. C’est ainsi que graduellement  j’ai entrepris un rôle plus important. La rencontre avec le poète, éditeur et ami George Alisanoglou, (éditions « Saixpirikon »), marque un tournant dans la vie du magazine qui commence à être  distribué même en Grèce. 
 
collage 1 colour
 
Θ.ε.α.  se situe à plusieurs niveaux  allant de la poésie, et des arts à la sociologie, l’économie, la politique, la science, la théologie: que signifie cette ouverture « multidisciplinaire » ?
 
Dionysis AntonopoulosC’est exactement cela: nous voudrions pouvoir inclure des thématiques variées dans la revue. Nous pensons qu’une approche scientifique est possible dans presque tous les domaines. Autrement dit, toutes les thématiques peuvent être «éclairées » de sorte que quelque chose de significatif se produit. Ce que nous cherchons à travers le choix du contenu c’est de publier des opinions et des théories qui ne trouvent pas facilement leur place dans les médias, ainsi que de faire apparaitre des tendances et des courants peu connus. Par manque d’une « ligne » éditoriale claire, lorsque nous publions un article qui soutient une position alpha, nous recherchions, quand cela est possible, publier aussi l’opinion opposée et faire naitre une sorte de dialogue dans le même numéro.
 
Georges Athanassopoulos : D’ abord, la réponse se trouve dans la dénomination précise: θ.έ.α. – Θέματα Επιστημών του Ανθρώπου et en français comme à ma réponse précédente. Mais les mentions approximatives, par exemple η Θ.Ε.Α., sont en principe permises.
 
En second lieu, ce nom de Sciences Humaines signifie justement que les sciences naturelles, ou positives en général, sont exclues de nos recherches et exposés. Cette spécification nous l’avons appliquée presque complètement jusqu’ici. Mais étant donné que nous éprouvons de temps en temps un besoin de renouvellement et que parmi nous il existe des scientifiques du domaine positif, nous avons décidé de nous y lancer sans pour l’instant modifier le nom historique de la revue. 
 
La théologie elle-même, du moment où elle n’a pas ses réponses données d’avance mais les attend de nos sciences, pourrait ne pas être exclue des textes qui sont choisis pour ThèaIl y a une justification de la pluralité des côtés et des points de vue scientifiques ou artistiques inclus dans la revue : c’est qu’ils doivent ou peuvent être examinés ou présentés de façon interdisciplinaire (= pluridisciplinaire). Car cette méthode donne dans la plupart des cas des résultats plus sûrs et plus complets. Notre pratique de comprendre dans chaque numéro une matière (le quart à peu près) appartenant aux beaux-arts, nous la considérons comme une bonne idée et particulièrement réussie. Effectivement, la plupart des revues théoriques n’osent pas cette extensionpourtant tellement agréable aux lecteurs.
 
Reconstructions3 pelly horizontal
“Re-deconstruction”, collage de Pelly Angelolpoulou et Pierre Leotard.
 
À qui s’adresse le magazine et comment est-il distribué ? Est-ce que vous organisez aussi d’autres types d’interventions, d’événements, de discussions, etc. ?
 
Dionysis Antonopoulos : Il n’y a pas un type précis de lecteur de Θ.Ε.Α et nous n’avons jamais pensé à une catégorie de lecteurs  lorsque nous avons créé le magazine. Je pense que tout ce qu’il faut pour lire Θ.Ε.Α. c’est d’avoir une volonté de connaissances, une curiosité pour se plonger dans la diversité thématique et essayer de trouver quelque chose d’intéressant dans chaque numéro.
 
Pour ce qui est de la distribution, initialement ceci se faisait directement par nous-mêmes, soit à travers des abonnements soit à travers des kiosques avec des journaux et magazines grecs. Mais, comme je l’ai déjà dit, après notre contact avec George Alisanoglou, la distribution en Grèce se fait par l’intermédiaire des éditions « Saixpirikon » et la revue est disponible dans plusieurs librairies à Athènes, Thessalonique et dans certaines grandes villes telles que Patras, Pirée, Heraklion, Kavala, Alexandroupolis, Larissa. 
Pour ce qui concerne d’autres types d’interventions, c’est vrai qu’au début nous avions eu cette ambition et nous avons organisé quelques discours et présentations des écrivains.  Malheureusement, on ne pouvait plus traiter d’autres événements par manque de temps et par notre volonté de consacrer toutes nos forces au contenu du magazine lui-même.
 
Georges Athanassopoulos : Mention particulière devrait être faite aux circonstances et aux personnes qui nous ont apportés leur soutien au début de notre démarche. Notre public initial comportait les membres du Cercle Hellénique d’Etudes Contemporaines, qui se réunissaient au “Café philo grec”, animé par Mr. Nikos Makris.
Aujourd’hui les conditions ont changé dans la mesure où notre magazine a gagné un public plus important en Grèce qu’en Belgique. Grâce à la coopération avec notre co-éditeur de Thessalonique et à son expérience professionnelle nous avons élargi la diffusion d’une telle revue au sein de notre pays natal.
Il faut aussi noter que l’image donnée par Mr D. Antonopoulos dans sa réponse à la même question est également conforme à la réalité. Tous les facteurs mentionnés ou accentués ont existé et nous ont marqués par leur action et leur évolution.
 
collage2 Thea
 
Bruxelles constitue un cas particulier d’une ville « internationale » dans laquelle coexistent des mondes parallèles sans pour autant communiquer les uns avec les autres (par exemple, les travailleurs internationaux de l’UE, les Belges, les communautés de migrants, etc.). La communauté grecque d’aujourd’hui en Belgique, disposant d’un capital culturel élevé, est elle en contact avec les mouvements littéraires et politiques de la Belgique, ou la Grèce reste-t-elle le point de référence ?
 
Dionysis Antonopoulos : Ce n’est pas facile de répondre à cette question. Certes, la Grèce reste le point central de référence, mais il existe aussi une tendance plus large, dont nous aimerions également faire partie, qui regroupe de différents mondes. Dans plusieurs cas on peut voir plus de grecs lors d’événements d’autres pays ainsi que des groupes et des organisations grecs qui se penchent sur des questions internationales. Il ne fait guère doute que de nos jours  nous sommes quotidiennement en contact avec de choses variables et en voie de conséquence, je pense qu’il est de plus en plus difficile de préserver les frontières sur une base nationale.
 
Georges Athanassopoulos : Si je m’appuis sur mon expérience limitée et donc relative connaissance de l’état des intérêts et activités des participants à leur propre organisation culturelle et politique émigrés grecs, travailleurs et étudiants en Belgique, je pourrais affirmer avec précaution que la première génération paraît effectivement plus liée à la “mère patrie” – et par conséquent moins sensible aux particularités et à la réflexion du pays d’accueil – que les générations suivantes. Les parents grecs d’enfants gréco-belges essayent d’épargner l’oubli et la solitude à leurs jeunes. Mais les jeunes eux-mêmes voudraient éviter d’être considérés comme belges en Grèce et comme grecs en Belgique.
Les Thèmes de Sciences Humaines (Τα Θέματα Επιστημών του Ανθρώπου), même uniquement par leur existence et leur circulation, offrent déjà depuis 2006 la connaissance, la culture et même leurs pages comme lieu d’écriture et d’expression tant aux parents grecs qu’à leurs enfants multilingues (N’oublions pas l’accueil de textes en français et en anglais par notre revue).
 
Ainsi, nous terminons par une référence au commencement. Car, en effet, le contenu des deux paragraphes précédents est conforme au, et nous rappelle le premier des principes sur lesquels, pendant toutes ces années, était appuyé le choix de la matière de la revue θ.ε.α. Il s’agit de l’importance accordée aux grecs de Belgique en tant qu’écrivains ou créateurs et en tant que lecteurs – tout en reconnaissant par le même texte (voir page 6 du 1er numéro ou p.17 du n°4) la nécessité d’exceptions importantes. Qu’il me soit permis de mentionner quelques noms de personnes qui nous ont fait l’honneur d’écrire pour Thèa, juste pour montrer que Mr. Antonopoulos, Mr. Athanassopoulos et Mr. Makris n’avons pas été les seuls à accomplir cette tâche. Par exemple, au numéro 4 on trouve des personnalités comme Panagiotis Giannopoulos, Georges Caravelis, Yannis Thanassekos; ou, au numéro 9, Magdalini  Varoucha, Stavroula Gatsou, Alexandra Deligiorgi. Notre reconnaissance les accompagne toutes et tous.
 
* Interview accordée à Magdalini Varoucha
 
INFOS
θ.ε.α. Thèa – Thèmes de Sciences Humaines – disponible par abonnements et dans des librairies en Belgique et en Grèce.
– A Athènes: dans les librairies qui disposent des livres de Saixpirikon : Ianos, Patakis, Public, Bookplus, Bookloft, Little Tree Books and Coffee, Mov Skiouros, Epi Lexei,, Lemoni, Free Thinking Zone, Protoporia, Bibliothèque, Christakis etc.
– A Thessalonique : dans les librairies Saixpirikon, Ianos, Kentri, Akyvernites Politeies, Kentro Vivliou etc.
 
Le cycle des metamorphose Pelly
“Le cycle des metamorphoses” collage de Pelly Angelopoulou.
 
M.V.