Mikis Theodorakis (1925-2021), dont le nom est associé à la culture grecque et à l’engagement politique, a laissé derrière lui un héritage musical immense parmi lequel figure notamment sa contribution significative aux musiques de films. Alors que nous célébrons le centenaire de sa naissance en 2025, GrèceHebdo présente comment ce compositeur grec de renommée internationale a laissé une empreinte inoubliable sur le cinéma. Au-delà de ses symphonies, oratorios et chansons populaires, les musiques de films de Theodorakis lui ont valu une renommée internationale, faisant de lui l’un des compositeurs grecs les plus célèbres du XXe siècle. Ses mélodies cinématographiques, souvent composées dans des circonstances difficiles telles que l’emprisonnement ou l’exil, sont devenues emblématiques, illustrant des films oscarisés et lui valant des nominations et des récompenses de la part d’organisations prestigieuses telles que les Golden Globes, les Grammys et les BAFTA.

Le parcours de Theodorakis dans la composition musicale cinématographique a commencé en 1953 avec le film « Barefoot Battalion » du réalisateur gréco-américain Greg Tallas. Sa percée internationale est toutefois survenue quelques années plus tard avec le film « Honeymoon » (Luna de Miel) de Michael Powell, sorti en 1959. Le thème musical du film, la chanson « Honeymoon Song » est ensuite devenue très populaire en Grèce sous le titre « Αν θυμηθείς τ’ονειρό μου » (Si tu te souviens de mon rêve). Elle était si populaire que les Beatles l’ont même reprise en 1964.

Au cours d’une période prolifique pour le cinéma grec, Theodorakis a continué à laisser son empreinte. Il a composé la musique du film « Συνοικία το Όνειρο » (Un quartier appelé « Le rêve ») d’Alekos Alexandrakis en 1961, un film marquant pour le cinéma grec, connu pour son atmosphère mélancolique et la chanson orchestral « Ο Χορός του Ρίκο » (La danse de Rico). La chanson phare du film, « Βρέχει στη Φτωχογειτονιά » (Il pleut dans le quartier pauvre), sur des paroles de Tasos Leivaditis, a été interprétée pour la première fois par Grigoris Bithikotsis dans une scène classique et a été largement reprise.

Theodorakis a également noué d’importantes collaborations avec des réalisateurs de renom. Il a composé la musique du film « Phèdre » (1961/1962) de Jules Dassin, avec Melina Mercouri et Anthony Perkins. Pour ce film, il a démontré sa polyvalence en adoptant un style plus orienté jazz, avec Mercouri elle-même interprétant deux chansons remarquables : « Σε Πότισα Ροδόσταμο » et « Love Theme from Phaedra » (connue sous le nom de « Αστέρι μου Φεγγάρι μου »). Sa collaboration durable avec le réalisateur grec Michel Cacoyannis a débuté avec « Electra » (1962), une adaptation de la tragédie d’Euripide, pour laquelle Theodorakis a reçu un prix musical au Festival du film de Thessalonique. Sa musique pour « Electra » était innovante, utilisant des instruments de musique élémentaires pour créer un rythme rituel et incorporant des sons naturels.

En 1962, l’acteur et réalisateur français Raymond Rouleau tourne « Les Amants de Teruel », avec Mikis Theodorakis à la bande originale. Le thème du film, qui est en fait la mélodie de sa chanson « Ομορφη πόλη » (Belle ville), sera plus tard adapté en français et interprété par nulle autre qu’Édith Piaf !

Le sommet de sa carrière cinématographique est atteint en 1964 avec « Zorba le Grec » de Michel Cacoyannis. Le film, qui remporta trois Oscars, comportait la bande originale complète de Theodorakis et grava son nom dans la conscience collective mondiale. L’emblématique « Danse de Zorba » (Sirtaki), interprétée par Anthony Quinn, reste l’une des images les plus puissantes et les plus reconnaissables de l’histoire du cinéma, entendue et dansée dans le monde entier même des décennies plus tard. Son travail sur « Zorba le Grec » lui valut des nominations aux Golden Globes et aux Grammy Awards.

La musique de Theodorakis était étroitement liée à son activisme politique, un lien évident dans son travail cinématographique. Pendant son exil en 1969, il a réussi à collaborer avec Costa-Gavras sur le légendaire thriller politique « Z ». Alors qu’il était en exil et incapable d’écrire de la musique spécialement pour le film, il a autorisé Gavras à utiliser n’importe quelle de ses compositions existantes, qui ont ensuite été adaptées par un compositeur français. La palette sonore riche, intense et détaillée de Theodorakis complétait parfaitement le film, qui a connu un immense succès international et remporté deux Oscars. Pour sa bande originale puissante, Theodorakis a reçu le BAFTA de la meilleure musique originale en 1970.

Sa deuxième collaboration avec Costa-Gavras concernait le film « État de siège » (1972). Pour ce film, Theodorakis a fait appel au groupe chilien Los Calchakis, exprimant ainsi son soutien à la lutte latino-américaine contre l’impérialisme. Bien qu’il ait été prévu de réaliser une œuvre plus imposante, Gavras a finalement choisi de supprimer une grande partie de la bande originale du film, car il souhaitait éviter un ton trop épique. Les éditions ultérieures ont publié la bande originale complète, qui mélangeait des sons traditionnels des Andes avec les voix de Los Calchakis.

En 1973, Theodorakis a consolidé sa présence à Hollywood avec « Serpico » de Sidney Lumet, avec Al Pacino dans le rôle principal. Lumet a spécifiquement recherché Theodorakis, qui venait de quitter la Grèce, appréciant son statut de « fervent gauchiste » au sein de l’élite artistique européenne. Alors qu’il était en tournée aux États-Unis, Theodorakis a fourni à Lumet seulement 14 minutes de musique qui ont servi de bande originale au film. Son travail sur « Serpico » lui a valu une autre nomination aux Grammy Awards et une nomination aux BAFTA. Son nom figurait en bonne place dans le générique d’ouverture du film, juste après celui d’Al Pacino et avant celui de Lumet, ce qui témoigne de sa reconnaissance mondiale. La bande originale mélangeait de manière unique les sons traditionnels du bouzouki avec des influences jazz plus modernes.

Theodorakis poursuivit son œuvre riche collaborant à nouveau avec Cacoyannis sur « Les Troyennes » (1971) et « Iphigénie » (1977), ainsi qu’avec Dassin sur « La Répétition » (1974), un film sur le soulèvement de l’École polytechnique. En 1980, il composa la musique du film politique classique de Nikos Tzimas, « L’Homme à l’œillet », qui retrace les derniers jours de Nikos Beloyannis.

La filmographie de Mikis Theodorakis témoigne de son talent inégalé, avec des musiques au caractère indéniablement national et politique, mais capables de transcender les frontières. Sa musique pour le cinéma, souvent composée dans les conditions les plus difficiles, a fait le tour du monde, a embelli des films classiques d’Europe et d’Hollywood, et a remporté des prix restant aujourd’hui aussi emblématique et puissante qu’à sa création.

Distinctions et prix décernés à Mikis Theodorakis pour ses musiques de films

1962 : Récompensé au Festival de Thessalonique pour sa musique dans le film Electra de Michael Cacoyannis.

1965 : Remporte le Golden Globe de la Hollywood Foreign Press Association pour sa musique dans Zorba le Grec.

BAFTA Awards (British Academy Film Awards, l’équivalent britannique des Oscars) :

1970 : remporte le BAFTA de la meilleure musique pour Z.

1974 : remporte le BAFTA de la meilleure musique pour État de siège.

1975 : remporte le BAFTA de la meilleure musique pour Serpico.

Grammy Awards, décernés chaque année aux États-Unis par la National Academy of Recording Arts and Sciences pour récompenser les réalisations exceptionnelles dans l’industrie musicale :

1965 : Remporte le Grammy Award pour sa musique dans Zorba le Grec.

1974 : Remporte le Grammy Award pour sa musique dans Serpico.

Récompensé par le prix « Erich Wolfgang Korngold » pour l’ensemble de sa contribution à la musique de film.

2002 : Récompensé par le prix Erich Wolfgang Korngold lors de la Biennale internationale de musique de film à Bonn, en Allemagne.

2007 : La World Soundtrack Academy décerne à Theodorakis un Lifetime Achievement Award pour l’ensemble de son œuvre dans le domaine de la musique de film, lors d’une cérémonie spéciale (le 20 octobre) au Festival international du film de Gand, en Belgique.

Photo d’introduction : Mikis Theodorakis à Amsterdam (1978) par Koen Suyk / Anefo, CC0, via Wikimedia Commons

Texte original : Greek News Agenda |Mikis Theodorakis: A Cinematic Musical Legacy

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