Le sol et le soleil grec ont contribué au développement de l’art de la céramique dans le pays depuis l’antiquité. L’art est resté vivant et constitue aujourd’hui encore un élément du patrimoine culturel et de l’économie de nombreuses régions du pays. De nos jours, à côté des efforts déployés pour enregistrer et préserver le patrimoine culturel traditionnel, de nouvelles générations de céramistes exploitent la versatilité de l’argile pour créer des œuvres d’art contemporain.

L’antiquité

Les vases antiques d’argile sont les objets les plus courants dans la plupart des musées de Grèce. Ils constituent, d’ailleurs, les objets les plus couramment trouvés lors des fouilles archéologiques. Rien qu’en Attique, environ 80 000 vases décorés intacts ont été conservés.

En Grèce, aussi bien dans l’antiquité qu’aujourd’hui, les régions où l’on trouve de l’argile, ou de la glaise, abondent. Dans l’antiquité, l’argile était un matériel pratique et économique, contrairement au cuivre et aux métaux précieux. Elle a donc été préférée pour la fabrication d’ustensiles quotidiens, tels que des vases pour conserver et transporter l’huile, le vin et l’eau, pour cuisiner et pour servir à table. Malgré leur valeur utilitaire, les récipients en argile étaient souvent décorés de manière élaborée et utilisés lors d’occasions spéciales. Outre l’Attique, d’autres villes et régions, comme Corinthe, la Laconie, l’Eubée et la Béotie comptaient entre les plus célèbres producteurs des poteries de luxe.

 De gauche à droite : petit amphore 480-400 av. J.-C. ; lécythe blanc 430 av. J.-C. ; assiette à poisson 350-340 av. J.-C. Crédits photos : Musée de l’art cycladique

Les vases nous donnent des informations précieuses sur la religion, les fêtes, le théâtre, le sport et la vie quotidienne dans l’antiquité. Les dieux et les héros, avec leurs aventures et leurs amours, figurent parmi les sujets les plus appréciés des peintres de vases. Les occupations quotidiennes des hommes et des femmes y sont décrites aussi de manière très détaillée. À partir du Ve siècle avant J.-C., les vases blancs aux détails peints et polychromes nous aident à nous rapprocher de la peinture de la Grèce classique qui n’a pas laissé de trace.

Le potier, l’artisan qui fabriquait le vase, et le peintre en poterie qui le peignait étaient en principe deux personnes différentes. C’est ce que nous apprennent les signatures des vases, où le mot εποίησεν désigne le potier et le mot έγραψεν le peintre. Sophilos, Euthymides, Euphronius, Amasis, Nicosthène ne sont que quelques-uns des noms connus de potiers et de peintres en poterie.

L’évolution de l’art antique est divisée en quatre périodes, notamment la période géométrique (1050-750 avant J.-C.), la période archaïque (750-480 avant J.-C.), la période classique (480-330 avant J.-C.) et la période hellénistique (330-50 avant J.-C.). Pourtant, en ce qui concerne la céramique, la distinction entre les périodes se base sur le type de décoration et la technique utilisée. Ainsi, on parle plutôt des céramiques de style protogéométrique, qui se caractérise par la peinture noire au lustre, ou par le style orientalisant, qui fleurit surtout dans le VII siècle av. J.-C et adopte le trait de contour. Dès la fin du VII siècle av. J.-C les deux styles qui s’imposent dans l’espace grecque sont la céramique à figures noires et la céramique à figures rouges.

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De gauche à droite : péliké à figures rouges 450-440 av. J.-C., crédits photo : Musée de l’art cycladique ; vase céramique à figures noires 540 av. J.-C., crédits photo : Musée archéologique national.

Au cours de l’époque hellénistique, les potiers s’intéressaient davantage à la fonctionnalité, et donc à la forme des vases, qu’à la décoration elle-même. Cette période n’est pas caractérisée par une technique particulière, mais par plusieurs. On trouve donc des vases à motifs peints, en relief ou imprimés. D’importants centres de céramique ont été créés dans différentes parties du monde hellénistique, notamment à Pergame, Pella et Athènes.

La céramique en temps modernes

La céramique n’a cessé d’évoluer au fil des siècles. Dans de nombreuses régions de Grèce, il existe encore des ateliers de poterie qui produisent des objets d’un art et d’une esthétique exceptionnels. Pour de nombreuses îles en particulier, la poterie reste un trait d’identité particulière. Les céramiques de chaque région se distinguent par leurs couleurs, leurs motifs décoratifs ainsi que le nom utilisé pour chaque ustensile particulier. Ainsi que, selon la région, on se réfère au récipient pour le transport et le stockage de liquides comme stamna, víka (Messénie), bótis (Patras, Corfou), balathouni (Karditsa) vytína (Dodécanèse), koumari (Lesbos) ou laïna (Crète).

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De gauche à droite: Fours de potier traditionnels à Sifnos, crédits photo : Association des potiers de Sifnos ; Atelier de poterie moderne à Sifons, crédits photo : Sofia Katzilieri

L’île de Sifnos est considérée comme le bastion du développement et de la diffusion de la poterie dans la région des Cyclades. Les premiers échantillons trouvés ici sont datés de la période du cycladique ancien. Le sol argileux de l’île et les longues périodes d’ensoleillement ont permis le développement de l’art de la poterie qui est toujours florissante sur l’île avec plus de 15 ateliers actifs où on trouve des céramiques à usage domestique et des articles décoratifs. La poterie de Sifnos est étroitement liée au patrimoine culturel, à la création artistique et à l’économie de l’île.

La tradition locale de la poterie a été, pourtant, considérée pendant des années comme un art mineur. Toutefois, on constate aujourd’hui un intérêt croissant pour la céramique traditionnelle, qui s’exprime par des efforts de recherche et de préservation des techniques locales. Dans ce cadre, le ministère de la culture grec a inscrit la tradition céramique de Sifnos ainsi que la tradition céramique de la famille Kourtzi, originaire de l’île de Lesbos, dans l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel de la Grèce.

Un exemple représentatif de cette vision pour reconnaissance de la poterie comme élément du patrimoine culturel est le centre pour l’étude de la céramique moderne. Le centre mène des travaux de terrain dans de nombreuses régions de Grèce. Dans le cadre de ses activités, il a identifié des ateliers et des fours de cuisson traditionnels, enregistré le processus de production et filmé des potiers traditionnels en action. Les résultats de ses recherches sont publiés dans des livres et articles scientifiques. Le centre organise aussi des programmes éducatifs et des ateliers de céramique pour adultes et enfants.

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De gauche à droite : tours de potier manuels de Crète ; échantillons représentatifs de cruches provenant de diverses régions de Grèce, carte par Betty Psaropoulou et Irini Gratsía ; atelier de potier traditionel. Crédits photos : Centre pour l’étude de la céramique moderne.

D’autre part, les céramistes contemporains revendiquent le droit de présenter la poterie comme un art à part entière, aux origines historiques et contemporaines profondes et aux possibilités d’expression inépuisables. Ils « redécouvrent », donc, l’argile en tant que matériel pour en créer des œuvres d’art conceptuelles.

Représentants de la céramique grecque contemporaine

Pendant plus de cinquante ans, Eleni Vernadaki crée des centaines de formes-objets, renouvelant radicalement l’art de la céramique en Grèce. Dans ses premières œuvres apparaissent des références éclectiques à la tradition céramique locale et aux anciens vases grecs. Cependant, au cours de sa carrière, le trait dominant de ses œuvres sera le développement dynamique des principes du « modernisme » céramique du XXe siècle, tandis qu’elle produira également des œuvres de « céramique conceptuelle ». Vernadaki parvint à dépasser la distinction, d’une part, entre art « majeur » et « mineur » et, d’autre part, entre l’objet utilitaire et non utilitaire.

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Œuvres de Eleni Vernadaki

Panos Valsamakis (1900-1986) est né à Aïvali, en Asie Mineure, Il a fréquenté l’école des Beaux-Arts d’Athènes et s’est spécialisé en céramique à l’école de Saint-Jean-du-Désert à Marseille. Son œuvre unie de manière unique la perspective orientale, grecque et européenne. Son atelier à Maroussi est toujours actif.

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De gauche à droite : Panos Valsamakis dans son atelier à Marousi, crédits photo : archive de Sofia Valsamaki ; Enorasi (1975), panneau en céramique 

Mary Hadjinicholí (1928-2020), en parlant de son attraction pour la céramique, affirme « J’ai étudié la céramique pas comme un art appliqué, tel que la culture d’ici le concevait, mais comme un moyen d’expression créatif essentiel, doté d’un énorme potentiel. C’est précisément ces possibilités qu’ont répondu à mon besoin inné de créer de la matière et de texture, les deux éléments nécessaires pour la consolidation d’une forme et  la formation d’un concept. Dès que j’ai réalisé ceci, j’ai vécu en faisant de la céramique ». Hadjinicholí a créé des peintures sur carreaux de céramique à intégrer dans des bâtiments ainsi que de sculptures de tailles variés. Elle a expérimenté avec la matière en créant sa propre argile dotée d’une grande plasticité et capacité de transparence. Elle a également été la première artiste à utiliser des moules pour créer des œuvres-objets de petite taille, reproductibles et relativement peu coûteuses, permettant ainsi au grand public d’acquérir une œuvre d’art.

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De gauche à droite: Mary Hadjinicholí ; œuvres de Mary Hadjinicholí

Dans ce même esprit de renaissance de la céramique et de recherche conceptuelle, s’accroit aussi le nombre des expositions et des espaces qui mettent en valeur la nouvelle génération des céramistes. La céramiste française Eleonore Trenado-Finetis a créé, au centre d’Athènes, la galerie Mon Coin Studio dédiée à la céramique contemporaine grecque. 

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De gauche à droite : œuvres de 3some ceramics, Myrsini Alexandridi et Giorgos Bakopoulos pour l’exposition « CERAMIC ART: painting & sculpture » dans la galerie Mon Coin Studio. Crédits photos : Epaminondas Koutsoukis.
 
L.S
 
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