Lié avec l’antiquité, la bataille de Marathon et la légende de Phidippidis (ou Philippidis), le marathon est aujourd’hui un événement mondial, populaire et accessible, qui rassemble des coureurs de tous âges et de tous niveaux à travers le monde. Bien plus qu’une simple épreuve sportive, le marathon symbolise l’endurance, la résilience et l’engagement face à un effort physique et mental. GreceHebdo revisite l’histoire et les symbolismes de cette unique épreuve physique et mentale.

Dans l’Antiquité, il existait de différentes épreuves de vitesse et d’endurance, parmi lesquelles dolichos, une course au cours de laquelle les athlètes devaient parcourir une distance de 7 à 24 stades (1 400 à 4 800 m). Cette épreuve fut introduite au programme lors de la 15ᵉ Olympiade (720 av. J.-C.) et le premier vainqueur mentionné est Akanthos de Laconie. On considère que dolichos dérive des distances parcourues par les messagers de la trêve sacrée ainsi que par les hemerodromoi ou dromokérykes, c’est-à-dire les messagers qui transportaient de nouvelles à travers tout le pays. »

L’histoire du marathon plonge ses racines dans un épisode fondateur de la civilisation grecque : la bataille de Marathon, en 490 av. J.-C., qui vit les Athéniens sous Miltiade repousser les armées perses de Darius Ier. Ce triomphe inattendu de la cité démocratique contre l’Empire asiatique allait devenir un mythe fondateur de la liberté occidentale.

C’est chez Hérodote, dans Les Histoires (Livre VI, chap. 105-106), que l’on trouve la première mention d’un messager : Philippidis ou Philippides (Φειλιππίδης), qui était un messager voire coureur professionnel (ημεροδρόμος/hémérodrome ), envoyé par les Athéniens à Sparte pour demander de l’aide avant la bataille. Philippidis arrive le second jour à Sparte, après avoir parcouru un trajet de 240 kilomètresune prouesse d’endurance inégalée.

Nulle part Hérodote ne mentionne une course de Marathon à Athènes après la victoire. Cette version postérieure apparaît dans les écrits de Plutarque et de Lucien de Samosate, rédigés plusieurs siècles plus tard. Plus précisément, Lucien dans Pro Lapsu inter salutandum, évoque ainsi un messager qui, après avoir annoncé la victoire en criant  «νικῶμεν» (« nous sommes vainqueurs », meurt d’épuisement. [sources : Pro Lapsu inter salutandum, Ambrosio Firmin Didot, Paris, 1867, page 205 et L’histoire de Philippidès d’Hérodote à Lucien. Une incursion dans l’atelier du mythe par Nicolas Siron].

Si cette histoire tient davantage du mythe que du fait historique, elle a façonné l’imaginaire collectif occidental et a donné naissance, en 1896, à l’épreuve moderne lors des premiers Jeux olympiques contemporains.

Près de deux millénaires plus tard, au tournant du XIXᵉ siècle, ce mythe antique inspire un érudit français : Michel Bréal (1832–1915), philologue, linguiste et ami de Pierre de Coubertin (1863-1937). Bréal, fervent humaniste, voit dans la renaissance des Jeux olympiques une occasion unique de réconcilier l’idéal antique et l’éducation moderne.

Bréal rejoignit d’ailleurs le Comité olympique de 1894 pour organiser des jeux sportifs et suggéra alors à Coubertin d’organiser une « course de Marathon au Pnyx », qui aurait une « saveur antique », offrant même une coupe d’argent à qui renouvellerait « s’il ne mourait pas » l’exploit du soldat légendaire venu apporter en 490 avant J.-C. la nouvelle de la victoire du général Miltiade sur les envahisseurs. [Source : Lettres de Bréal à Coubertin, dans « Michel Bréal, le marathon, l’olympisme et la paix » par Marc Décimo et  Pierre Fiala p. 127-135]

“Si vous allez à Athènes, vous pourriez essayer de voir si l’on peut organiser une course de fond de Marathon à Pnyx. Cela soulignerait le caractère de l’Antiquité… Je revendique personnellement l’honneur de parrainer le trophée du marathon”

Lettre de Michel Bréal à Coubertin, 1894.

Le premier Marathon fut réalisée dès les premiers Jeux olympiques d’Athènes en avril 1896, durant lesquels 19 concurrents disputèrent une course de 40 km4, remportée par Spyridon Louis (1873-1940) un jeune porteur d’eau athénien, en 2 h 58 min.

Son arrivée triomphale dans le stade panathénaïque, drapé dans un drapeau grec, déclenche une ferveur nationale et le marathon devient une allégorie du courage, de la mémoire et de la continuité culturelle.

La distance du marathon fut fixée à 42,195 km lors des Jeux de Londres en 1908 — pour une raison anecdotique : le départ devait avoir lieu devant le château de Windsor et l’arrivée devant la loge royale du stade. Ce hasard protocolaire est devenu la norme mondiale.

Au fil du XXᵉ siècle, le marathon s’est progressivement démocratisé. Longtemps réservé à une élite masculine, il s’est ouvert aux femmes à partir des années 1970 et est devenu une course populaire partout dans le monde. Aujourd’hui, chaque grande ville  (et bien sûr, Athènes) possède son marathon emblématique, transformant cette discipline en un véritable phénomène culturel.

Au-delà de l’effort physique, le marathon moderne porte une dimension sociale et solidaire. De nombreuses courses soutiennent des causes humanitaires ou écologiques, permettant aux participants de courir non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour les autres, un aspect qui renforce la valeur collective de l’épreuve et contribue à son immense popularité.

Enfin, le marathon contemporain est devenu un véritable phénomène culturel, tout en symbolisant l’esprit d’endurance mais aussi un voyage intérieur.

Magdalini Varoucha | GreceHebdo.gr

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