Tu es sortie des entrailles du tonnerre
Frémissant dans les repentances des nuages
Pierre amère, éprouvée, hautaine
Tu as cherché le soleil saint martyr
Pour ensemble affronter la splendeur dangereuse
Et vous lancer avec l’écho-croisade en haute mer
 
Éveillée des eaux, tu as dressé, hautaine
Une poitrine de rochers, mouchetée
Par les inspirations du suroît,
Pour qu’y imprime ses viscères la douleur
Pour qu’y imprime ses viscères l’espoir
Par la lave le feu les fumées
Par des paroles bonnes à convertir l’infini
Tu as mis au monde la voix du jour
Et porté très haut
En pleine marche aérienne verte et rose
Les cloches que sonne l’esprit escaladeur
Sous la louange des oiseaux dans la lumière du milieu d’août
Près du bruissement des eaux, des chagrins de l’écume
Dans les actions de grâces du sommeil
Quand la nuit courait les déserts des étoiles
Cherchant le signe du baptême de l’aube,
Tu as ressenti la joie de la naissance
Tu as sauté au monde la première
Née dans la pourpre, jaillissante
Envoyant aux lointains horizons
Le vœu grandi dans les insomnies de la mer
Pour caresser les cheveux de la cinquième heure à l’aurore.
 
Reine des élans et des ailes de l’Égée
Tu as trouvé, par des paroles bonnes à convertir l’infini
Par la lave le feu les fumées
Les larges lignes de ton destin
 
Et voilà que devant toi s’ouvre la justice
Les monts noirs voguent dans l’éclat
Les désirs préparent leur cratère
Dans la région tourmentée du cœur,
Et naissant des efforts de l’espoir une terre nouvelle s’apprête
Où marchera sous les aigles et les bannières
Par un matin tout chatoyant,
La tribu qui donne vie aux rêves
La tribu qui chante aux bras du soleil.
O fille du plus haut de la colère
Nue jaillissante
Ouvre les portes de l’homme éclatantes
Que tout embaume la santé
Qu’en mille couleurs le sentiment refleurisse
Battant des ailes et s’ouvrant
Et de partout que la liberté souffle
 
Que resplendisse dans le sermon du vent
La beauté neuve et éternelle
Quand le soleil tout bleu de trois heures s’élève
Jouant l’harmonium de la Création.
 
Odysseas Elytis, “Orientations”, 1940.
Traduction du grec: Michel Volkovitch. Source
Peinture: Yiannis Gaitis, “Fira de Santorin”, 1953. Source: MIET

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