
Giorgos Vakirtzis (1923-1988) est un peintre grec qui a été connu pour ses affiches géantes peintes à la main qui décoraient les façades des cinémas à Athènes dans les années 1950 et 1960. Son style unique a permis d’attribuer une qualité artistique remarquable à ce type d’art visuel, améliorant l’esthétique des affiches de films commerciaux.
Originaire de Vourla en Asie Mineure, Giorgos Vakirtzis est né à Mytilène en 1923 de parents réfugiés, avant de s’installer avec sa famille au Pirée en 1930. Dès son enfance, il travaille comme assistant dans un petit atelier d’arts décoratifs, fabriquant des panneaux et des décors pour les théâtres en tournée. Impressionné par les affiches de grands cinémas à Athènes fabriquées par le peintre Stephanos Almaliotis, Vakirtzis devient rapidement son assistant en 1938.

L’atelier d’Almaliotis était une très grande école pour Vakirtzis, alors âgé de quinze ans. Il y apprend la technique du découpage ainsi que les secrets des affiches géantes par des menuisiers, des fabricants d’enseignes et des peintres. Remarquant son grand talent, Almaliotis le pousse à étudier à l’École des beaux-arts d’Athènes. Vakirtzis est admis en 1939 et il étudie dans les ateliers d’Umberto Argyros et Konstantinos Parthenis jusqu’en 1946. Il poursuit des études à l’École des Beaux-Arts à Paris (peinture, gravure et graphisme) avec Jean Souverbie et Édouard Joseph Goerg, ainsi que dans des écoles d’art indépendantes (1952-1953).
Pendant de nombreuses années (1946-1963), Vakirtzis peint des affiches pour les principales salles de cinéma d’Athènes. Son style artistique distinctif, avec ses coups de pinceau grossiers et les portraits imposants de stars de cinéma, a permis d’attribuer une qualité à ce type d’imagerie, améliorant l’esthétique des affiches de films commerciaux. À la même époque, il est directeur artistique chez Skouras Films et collabore avec Finos Films, deux grandes sociétés de production cinématographique en Grèce des années 1950 – 1970, alors qu’il coopère avec les laboratoires cinématographiques LTC à Paris.

Les affiches de cinéma, un produit artistique sous-estimé
La dynamique de l’affiche en tant que moyen de communication a dominé tant en Grèce qu’à l’étranger, de la fin du 19e au milieu du 20e siècle. Il s’agit d’un produit artistique qui a été particulièrement sous-estimé par les cercles artistiques de l’époque, en tant que genre de second rang. A la croisée des Beaux-Arts et des Arts appliqués et caractérisé par la médiocre qualité des matériaux utilisés, l’art de l’affiche n’a pas été considérée, dans un premier temps, comme un genre artistique unique. Il s’agit d’un des moyens de communication populaires les plus importants, utilisé principalement pour informer mais aussi pour exprimer publiquement les préoccupations de chaque époque sur des sujets d’actualité.
Les affiches, à une époque où l’information n’était pas aussi abondante qu’aujourd’hui, constituaient la plus importante moyenne pour la promotion de chaque film, identifiant en même temps le spectacle et le lieu de projection. Elles pourraient bien être considérées comme une brève narration visuelle du film, destinée à attirer l’œil du spectateur potentiel, à éveiller son intérêt et à le motiver à entrer dans la salle de cinéma, lieu de magie et de divertissement.

Il convient de noter que toutes les affiches étaient réalisées à la main et dans des délais stricts. Généralement tous les vendredis après-midi les ateliers recevaient par les distributeurs de films le matériel photographique sur la base duquel les affiches géantes devraient être préparées, pour qu’elles puissent être affichées dimanche soir. La surface des affiches était énorme et le matériel de reliure pour ces œuvres éphémères était la colle de poisson. Malgré la rapidité de l’exécution des affiches force est de constater qu’elles nécessitaient beaucoup de travail, d’inspiration et une grande expérience.
Parallèlement, les ateliers préparaient une série d’affiches lithographiées de dimensions classiques afin de décorer les façades des immeubles et des maisons des rues les plus fréquentées d’Athènes qui étaient par les mêmes artistes. Chaque lundi matin, Athènes se transformait en galerie à ciel ouvert, accueillant l’exposition collective hebdomadaire des peintres qui l’embellissaient.

Vakirtzis, un artiste de pop art
Vakirtzis a créé une « école » unique en son genre avec ses œuvres, aux traits grossiers et larges et aux couleurs vives, qui sont caractérisées par l’innovation, l’audace, l’imagination créatrice, le mouvement et le dynamisme. Dans ses portraits imposants des protagonistes, il ne suit pas les sentiers battus et utilise des couleurs non conventionnelles, tandis que ses riches archives de photographies des protagonistes des films lui ont permis de les agrandir à la main jusqu’à ce qu’elles atteignent finalement trois mètres, tout en lui offrant de nombreuses options quant à la composition qui encadrerait le motif central.
C’est pourquoi Vakirtzis était caractérisé comme un artiste de pop art. Le célèbre peintre grec George Rorris a dit dans un de ses entretiens que “Vakirtzis fait du pop art parce qu’il fait de l’art populaire. Il s’adresse aux gens qui passent sur leur moto, sur leur vélo, au vendeur de glaces, à la personne dans le bus qui traverse la rue et avec ses affiches impressionnantes Vakirtzis invite tous ces gens à aller au cinéma voir un film. Et il y parvient parfaitement”.

De 1945 à 1965, il a réalisé plus de 20 000 affiches et bien qu’il ait définitivement abandonné les affiches géantes au milieu des années 1960, sa contribution à l’art contemporain grec est énorme. Dans le même temps, il s’est occupé d’affiches murales et de vitrines et a décoré des maisons, des pavillons commerciaux et des magasins avec des panneaux et des peintures murales. Au cours de la période 1956-1974, ses intérêts se sont étendus aux arts graphiques, dans le cadre desquels il a édité des publications et conçu des couvertures de livres, d’albums et de magazines, tout en jouant un rôle important dans la promotion de la photographie commerciale en Grèce. Il s’est également intéressé à l’art sur le plan théorique, publiant un nombre important des études et des livres.

Vakirtis, un peintre anthropocentrique
Parallèlement à ses activités dans le domaine des applications visuelles, il réalise ses propres peintures. Depuis 1949, il participe fréquemment à diverses expositions collectives, en Grèce et à l’étranger. Sa première exposition personnelle (galerie Nees Morfes, 1960) était intitulée Monotypic Painting – Monograph. Depuis 1970, il se consacre systématiquement à la peinture et à la gravure, avec une intense activité d’exposition (« Excavations »/1964-1966, « Irony & Invocations »/1967-1969, « Réflexions »/1972-1973, « Commentaires – Événements »/1975-1977).
Dans sa peinture, qu’il présente par unités thématiques, il applique un style de couleur dynamique avec des contours ouverts. Ses compositions sont souvent monumentales, avec des références à l’art classique, tandis que ses thèmes impliquent généralement une critique de la réalité sociale.

Une étape importante de sa carrière a été franchie en 1979, lorsqu’il s’est rendu à Moscou en tant que membre du jury chargé de sélectionner les affiches pour l’Olympiade de l’Union soviétique.
En dehors de la Grèce, ses œuvres ont été présentées à l’étranger (New York, Moscou, Los Angeles, Belgrade et ailleurs). Un an après sa mort (1988), une exposition rétrospective a été organisée à la Galerie nationale-Alex. En 1988, dans le cadre de l’exposition du Musée des Beaux-Arts d’Athènes, dans l’exposition « L’art du Musée Soutsos ».
Artiste anthropocentrique, Vakirtzis a utilisé des éléments de l’art de l’affiche géante, de la peinture folklorique et de l’expressionnisme, qu’il a combiné avec un fond de grandes compositions classiques du passé, afin d’inscrire ses préoccupations dans un style personnel directement lié aux expériences historiques et politiques de la société grecque.
Documentaire de Panos Thomaidis “Une rivière nommée Vakirtzis” présenté au 27e Festival international du documentaire de Thessalonique (06-16.03.2025)
Ioulia Elmatzoglou | GreceHebdo.gr
Image d’introduction : Affiche géante du film « The Great Gatsby » – Source : nationalgallery.gr
Sources principales
Contemporary greek art institute
IE