Représentation graphique de l’ancienne Olympie – Photo via Wikimedia Commons (domaine public)

Les femmes dans l’Antiquité étaient les grandes absentes des jeux panhelléniques, puisque ceux-ci étaient exclusivement réservés aux hommes. Les jeux, que ce soit les jeux olympiques, pythiques, isthmiques ou néméens, étaient avant tout des concours d’hommes car ils étaient une façon pour les cités de lutter de manière pacifique pendant la trêve sacrée appelée ἐκεχειρία / ekecheiria. Pour concourir, il fallait réunir les trois conditions suivantes : être un homme, être grec et être libre. Les femmes étaient donc rigoureusement exclues des jeux, y compris en tant que spectatrices.

Pourtant, un concours sportif leur était destiné, les jeux Héréens ou Héraia (τὰ Ἡραῖα / tà Hêraîa) organisés tous les quatre ans, deux semaines après la fin des jeux olympiques, dans le sanctuaire d’Olympie en l’honneur d’Héra, la déesse protectrice des femmes et du mariage et épouse divine de Zeus.

Courses de Pélops et d’Hippodamie – Photo via Wikimedia Commons (domaine public)

L’existence des Héraia remonte à l’époque archaïque et, selon Pausanias, deux versions existent quant à leur fondation. Dans la première version, c’est Hippodamie, fille d’Oenomaos, roi de Pisa, qui en serait l’origine. La jeune fille, voulant rendre grâce à Héra de son mariage avec Pélops, réunit seize femmes chargées de tisser un péplos qu’elle offrirait à la déesse et organise avec elles les premiers jeux Héréens. L’origine mythique des Héraia semble donc faire écho à l’une des versions des origines des jeux olympiques attribuée à Pélops, fils de Tantale. Ce dernier demande la main d’Hippodamie à son père. Mais Oenomaos, qui a appris lors d’un oracle qu’il périrait de la main de celui qui épouserait sa splendide fille, Hippodamie, décide alors d’affronter les prétendants lors d’une course de chars : si Oenomaos l’emporte, le prétendant est mis à mort ; dans le cas contraire, il épouse Hippodamie.

Lorsque Pélops se présente, treize rivaux ont déjà succombé. Il requiert l’aide de Poséidon qui lui offre un char en or et des chevaux ailés. De son côté, Hippodamie, très éprise de Pélops, fait en sorte de saboter le char de son père. La course se conclut par la victoire de Pélops et la mort d’Oenomaos. Pélops instaure alors les jeux olympiques en l’honneur de Zeus, autant pour célébrer sa victoire que pour expier le crime de sa jeune épouse.

Le temple d’Héra à Olympie – Photo par Matěj BaťhaCC BY-SA 2.5, via Wikimedia Commons

Le couple formé par Pélops et Hippodamie lie donc, dès leur origine, jeux olympiques et jeux Héréens et fait de ces derniers un autre rite important du sanctuaire d’Olympie. La fille qui remportait la course était appelée “Héra ou Hippodamie de l’année” et le jeune homme, le gagnant des Jeux olympiques, le “Zeus ou Pélops de l’année”. Selon les chercheurs, ce mariage symbolisait le cercle de la culture des terres et le besoin crucial de fertilité et de prospérité.

Dans la deuxième version, on attribue la fondation des Héraia aux seize femmes. À l’époque le tyran de Pisa, Damophôn commet beaucoup de crimes envers les Éléens. À sa mort, on choisit une femme dans chacune des seize cités d’Elide : à chaque fois il s’agit de la plus âgée, de celle qui est la mieux considérée et qui a la meilleure réputation. Ces femmes réconcilient les Éléens avec les habitants de Pisa et c’est pour cela qu’on leur confie le soin d’organiser les Héraia et de tisser le péplos d’Héra.

Les concurrentes étaient des femmes vierges- les femmes mariées n’étaient même pas autorisées à assister aux jeux. Elles étaient vêtues d’un chiton atteignant juste au-dessus du genou, alors que leur épaule droite était découverte jusqu’à la poitrine. Notons tout de même que les jeunes filles étaient elles, autorisées à regarder les compétitions masculines et les garçons pouvaient regarder les athlètes féminines dans l’espoir de créer des mariages et des enfants. C’est pourquoi ces athlètes féminines étaient célibataires et concouraient vêtues de robes courtes.

La course à pied avait lieu dans l’ancien stade sur une longueur de 135-140m, avec une distance totale de 220m. Le prix pour les gagnantes était une couronne d’olivier sauvage (tout comme les gagnants masculins des Jeux olympiques) et une part de la vache sacrifiée à Héra, alors qu’elles avaient le droit de consacrer leurs images, c’est‑à‑dire d’être immortalisées, peut-être sous forme de statues ou de représentations picturales.

Les visiteurs du Temple d’Héra à Olympie peuvent remarquer de coupes verticales sur les colonnes de la façade est d’Héraion. Selon les chercheurs, elles ont été réalisées pendant l’Antiquité pour y placer les portraits de jeunes filles qui avaient gagné les jeux Héréens. Certains érudits pensent que la construction du temple d’Héra au début du VIe siècle avant J.-C., une centaine d’années avant la construction du temple de Zeus, souligne le fait que, malgré la prédominance de Zeus dans le sanctuaire, les divinités féminines primitives n’étaient pas oubliées.

Figure en bronze d’une jeune fille courant, 520-500 av. J.-C. Spartiate.  British Museum
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CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

A noter que les jeunes filles n’étaient pas encouragées à devenir des athlètes à l’exception des jeunes femmes élevées à Sparte. Celles-ci s’entraînaient sur les mêmes épreuves sportives que les garçons selon l’idée que des femmes fortes produiraient de puissants guerriers. La pratique physique faisait partie intégrante de l’éducation des jeunes filles spartiates. Dans La constitution des Lacédémoniens, Xénophon nous rapporte que la préparation physique est au cœur du système éducatif spartiate, aussi bien pour les hommes que pour les femmes libres. Lycurgue considère qu’engendrer des enfants est essentiel pour la cité et que de parents vigoureux ne peut naître qu’une progéniture robuste. Or mettre au monde des enfants, futurs citoyens, est avant tout le lot des femmes libres.

Pour réussir au mieux dans cette tâche et donner naissance à des enfants vigoureux, il faut former les corps des jeunes filles et les rendre endurants pour l’enfantement. C’est dans cette optique de conservation de la pureté de ce qui fait l’identité des spartiates que les femmes participent, à l’instar de la gent masculine, à un entraînement athlétique soutenu, alors que dans les autres cités grecques, seuls les hommes le font. Dans La vie de Lycurgue, Plutarque énumère les différents sports pratiqués par les jeunes filles et les femmes mariées : la course, la lutte, le lancer du disque et le javelot. Des concours de courses pour les jeunes filles étaient attestés à Sparte.

IE

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