GrèceHebdo* a eu le plaisir de rencontrer Vassilis Papavassiliou, homme de théâtre charismatique, qui a reçu, le 17 février 2016, les insignes de chevalier dans l’ Ordre des Arts et des Lettres de la République française. Ιnitié à la culture française dès sa prime jeunesse, tout au long de sa carrière de metteur en scène et d’acteur, Papavassiliou traduit des pièces de théâtre de dramaturges étrangers comme Goldoni, Molière, Barthes, Novarina Sand, etc. dont le plus récent est Quai Ouest de Bernard-Marie Koltès que Ludovic Lagarde a mis en scène en 2014 pour le Théâtre national grec. Le succès d’Eleni de Yannis Ritsos qu’il a mis en scène a dépassé les frontières de la Grèce. A l’ heure actuelle, il continue son monologue au Théâtre d’ Art (14, rue Frinichou) avec la pièce intitulée: “L’ abus de Grèce nuit à la santé’’. Esprit fin, d’une intelligence rare, Vassilis Papavassiliou nous a parlé de la singularité grecque au sein de l’ histoire et du présent tourmenté.
Vous affirmez qu’être grec renvoie à une certaine difficulté d’être sérieux. Faut-il s’ en regretter ?
Pas du tout. Il faut rester avant tout spinozien. Il convient d’ éviter de céder à un certain comformisme de la tristesse, trop facile et pas du tout innocent. Cette tristesse a souvent des racines nobles étant le fruit des désastres, des catastrophes historiques, comme la «Catastrophe de l’ Asie Mineure» en 1922, date si marquante pour nous les Grecs. Mais vous savez, il existe aussi l’aspect créatif dans la catastrophe dont Schumpeter parle lorsqu’ il aborde le capitalisme. En tant que Grecs, dès l’ antiquité, nous avons eu du mal à être sérieux, ce que Nietzsche l’a attribué à la profondeur des Grecs. En tant que néohellènes, il faut construire sur ce manque du sérieux de façon créative.
Ce néohellène semble osciller entre la trangression des lois et un habitus d’autoculpabilisation alors qu’ il ne cesse d’être refractaire à son État.
Difficile de parler, de répèrer l’État dans ce coin du continent. Le Grec existe sans État. Ceci n’a jamais été légitimé chez les gens du pays. L’État concerne nos partenaires européens comme fruit d’ expériences historiques douloureuses qui remontent à la guerre civile du christianisme entre catholiques et protestants. L’État en fut l’arbitre mais dans le cas grec l’ homogénéité religieuse autour de l’Ortodoxie n’a guère permis à cet arbitre d’être légitimé. Toutefois la Grèce a fait le choix de l’État occidental, d’où cette culpabilité dont vous parlez dans la mesure où on paye toujours un coût pour nos appartenances.
Mais l’État est absent à l’heure actuelle à une échelle qui va du Maroc à l’Afganistan. Où se situe-t-elle la Grèce au sein de cette turbulence ?
Le bateau du monde fait en ce moment un grand tournant et nous éprouvons tous une nausée, un certain malaise. La chute du mur de Berlin a constitué une petite relativement rupture par rapport à la nouvelle cristallisation du paysage mondial qui est en gestation. Vous savez en Grèce deux figures fabuleuses hantent l’imaginaire national. D’un côté Karagkiozis bien établi avec sa baraque et de l’ autre côté Ulysse qui est le mouvement perpetuel. Force est d’ activer l’héritage précieux d’Ulysse.
De nos jours, les Grecs se montrent généreux envers les réfugiés.
Vous voyez comment les réflexes communautaires au sein d’ une entité préétatique peuvent fonctionner de façon créative. Le Grec joue la comédie en se demandant où est l’État alors qu’ il sait bien que l’État n’ est nulle part. D’ où, à la place de l’État invisible, l’esprit de l’initiative et du mouvement venus des gens ordinaires. Je crois qu’on assiste à des phénomènes sociaux nouveaux qui vont nous surprendre de façon positive.
Nous avons mentionné la tristesse. Est-ce que l’Internet nous rend plus gais en flattant notre narcissisme ?
Ecoutez, moi je ne fais pas usage de l’Internet et je reste un ascéte, un anachoréte du présent. Je suis un moine sans pour autant m’ installer au Mont Athos. (rires). Pour ce qui est de votre question, on partage plus facilement la tristesse. La joie présuppose d’autres ingrédients, d’autres espaces et surtout le vécu de la coexistence corporelle. La fête dans la rue, la pièce théâtrale, moi j’ ajouterais le stade où la coexistence des spectateurs produit des commentaires inouïs, d’ une inventivité rare. Le stade est un laboratoire linguistique hors pair, un espace de dialogue envers lequel j’ y reste toujours ébloui.
En tant qu’homme de théâtre, vous suivez de près les jeunes comédiens, les jeunes artistes. Quel bilan pouvez-vous en tirer ?
On assiste à une démocratie de l’expression visible à l’échelle planétaire qui affecte surtout l’Occcident et l’Europe d’autant plus que le travail manuel s’est transféré vers l’Asie. Ce transfer de la production influence les attitudes et les tolérances des parents qui sont mieux disposés qu’auparavant à accepter les choix de leurs enfants vers les boulots artistiques. Toutefois, ces choix nourissent le plus souvent un dilettantisme non payé et une économie gratuite sans monnaie. La seule monnaie qui en subsiste est celle de la gloire. On revient donc encore une fois à nos ancêtres qui affirment que si l’argent a fait des ennemis, tel n’est jamais le cas avec la gloire. (το χρημα πολλοι εμισησαν την δοξα ουδεις). (Rires).
* Interview accordée à Costas Mavroïdis et Lazaros Kozaris.
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