Le Rébétiko est la musique populaire grecque urbaine des marginaux et des classes les plus pauvres de la première moitié du 20ème siècle. En décembre 2017, le rébétiko est inscrit sur la “Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité” créée par l’UNESCO. La liste est composée d’éléments qui aident à démontrer la diversité du patrimoine mondial et à sensibiliser à son importance. Le Rébétiko a été choisi par le Comité intergouvernemental qui l’a considéré comme “une tradition musicale vivante avec un fort caractère symbolique, idéologique et artistique”. En tant que concept culturel complexe, il est lié à la musique, au chant, à la danse et, surtout dans le passé, à une attitude et à un mode de vie particuliers: la vie des exclus, des vagabonds et des déplacés, mais aussi des classes ouvrières des grandes villes de la Grèce nouvellement industrialisée au début du 20ème siècle.

La chanteuse Rosa Eskenazi avec les musiciens K. Lambros et A. Tomboulis (Athènes, c. 1930)
 
Une brève histoire
 
Le Rébétiko est essentiellement un terme générique, comprenant plusieurs formes de musique qui ont évolué en Grèce et dans les parties grecques de l’Empire Ottoman au milieu et à la fin du 19ème siècle, jusqu’à ce qu’ils se soient unifiés au début du 20ème siècle pour former le son distinctif du rébétiko aujourd’hui. Il est largement basé sur la tradition orale et a été décrit avec précision comme “blues urbain grec”.
 
Le terme a été inventé relativement tard dans l’évolution du genre, et a été fondamentalement popularisé par des études savantes dans les dernières décennies. Il dérive de rebétis (pl. rebétes), un mot d’étymologie incertaine, dénotant une personne (généralement un homme) de l’ère d’avant-guerre, avec une certaine attitude, impliquant souvent un mépris de la loi et une vie aux marges de la société. Ce type de personnage était habituellement surnommé mángas, koutsavákis, aláni, vlámis ou mortis à l’époque – dépendamment de la région. Leur musique était plus souvent appelée laïká, du mot laós (le peuple).
 
Koutsavakis
Koutsavákis, Plaka (Athènes), c. 1880

Les origines de cette musique sont en effet étroitement liées à la vie marginale et à la sous-culture, puisqu’elles remontent aux prisons d’Athènes à l’époque du gouvernement bavarois, dans les années 1830. Ce type de musique, basé sur le son du fameux bouzouki – une variation moderne des instruments à cordes byzantins – gagna progressivement en popularité parmi les classes sociales les plus pauvres des grandes villes (principalement portuaires), comme le Pirée.

kafeneion mpatiMarkos Vamvakaris et sa bande au café de Batis au Pirée (c. 1930)
 
En même temps, les populations grecques de Constantinople, Smyrne et d’autres grandes villes d’Anatolie avaient créé leur propre musique populaire, basée sur des rythmes traditionnels grecs et orientaux, souvent joués dans des salons de musique appelés Café Aman.

Le mouvement des “Jeunes turcs” et la guerre gréco-turque (1919-1922) ont provoqué un afflux massif de réfugiés et de migrants parlant grec dans les principales villes grecques. Ainsi, les années 1920 marquent le moment où diverses traditions et styles musicaux fusionnent, créant le son typique de ce qu’on appelle le rébétiko. A cette époque, c’était essentiellement la musique du peuple dans les grandes villes, n’ayant pas encore complètement perdu ses liens avec la culture “underground”. Cette musique était jouée dans des tavernes mais aussi dans des tekédes (tanières de haschich), d’où les références à la drogue et aux récidivistes dans les paroles de nombreuses chansons.

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Rébétiko, la mauvaise herbe“, roman graphique (BD) de David Prudhomme

À la fin des années ’20 et au début des années ’30, cependant, de plus en plus de labels musicaux ont commencé à enregistrer des chansons rebetika. Le genre a rencontré une popularité croissante, et a progressivement été assimilé par le courant dominant, transformant rebetika et laïká en type de musique le plus populaire en Grèce à ce jour.

Beaucoup considèrent les années ’30 comme “l’âge d’or” du rébétiko dans sa forme la plus authentique, d’autant plus que c’est à cette époque que certains des plus grands musiciens ont écrit, interprété et enregistré quelques-uns des classiques qui sont encore passionnément aimées par toutes les générations et les couches sociales même  aujourd’hui.
 
 
[Ecrit par Magdalini Varoucha, GreceHebdo.gr]
 
Lire plus sur l’histoire du rébétiko 

M.V.

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