« C’est qu’on trouvera toujours et partout en Grèce , c’est l’hospitalité, cette hospitalité touchante des âges homériques qui fat qu’une pauvre famille des pécheurs, par exemple, cédera l’unique chambre de se mesure aux étrangers venus de loin et surpris par la nuit. »
 
Fred Boissonnas, “Le Tourisme en Grèce”, 1930
 
Issu d’une famille de photographes, Fred Boissonnas (1858 -1946)  fut un grand photographe daguerréotypiste, membre de la Société genevoise de photographie et Grand voyageur. Fils ainé d’Henri-Antoine Boissonnas (1833-1889), il reprend en 1887, avec son frère Edmond-Victor, l’atelier de son père à Genève et devient bientôt un photographe de renommé. 
 
Reconstitution d’une scène de théâtre de marionnettes à l’aide des familles Boissonnas et Magnin -Fred Boissonnas au centre, avec l’enfant. Cette oeuvre a été présentée à l’Exposition universelle à Paris en 1900 [Source: Bibliothèque de Genève]

Fred Boissonnas en Grèce

En 1903, après l’ouverture des filiales à Paris, Reims, Lyon, Marseille et Saint-Pétersbourg, Fred Boissonnas se rend pour la première fois en Grèce avec l’écrivain Daniel Baud-Bovy grâce au chèque de l’Ecossais lord Napier, qui lui propose de photographier le Parnasse. En 1905, Fred Boissonnas devient le photographe de la Fête des Vignerons. En octobre 1907, il photographie l’Acropole pour une commande de l’éditeur genevois Eggimann sur les monuments athéniens.
 
Fred Boissonnas devient ainsi le premier photographe étranger qui ait autant voyagé en Grèce, à partir de 1903 et au cours des trois décennies suivantes, en parcourant tout le pays.
 
Frédéric Boissonnas photographiant le Parthénon
 Frédéric Boissonnas photographiant le Parthénon, 1907.
 
La force de l’image : les photographies au service de l’image de la Grèce à l’étranger
 
Ce qui est peut-être moins connu, c’ est le fait que Boissonnas, ayant bien compris la force de la photographie et sa contribution à la formation de l’opinion publique, il propose au gouvernement grec de le financer pour photographier les parties du pays revendiquées à l’époque  par la politique de l’ Etat grec à savoir ,  la Crète, une partie des côtes de l’Asie mineure, l’Epire, la Macédoine. Boissonnas entend mettre la force de la photographie au service de l’image de la Grèce à l’étranger mais cette proposition ne sera acceptée que plus tard.
 
En août 1910, il publie l’album « En Grèce par monts et par vaux » (préface par l’helléniste Théophile Homolle) et en octobre 1911, Fred Boissonnas et Daniel Baud-Bovy reviennent en Grèce. Cette fois, leur destination est l’Egée et ses îles. Ils font escale à Skyros, à Tinos, à Myconos, à Délos, à Naxos, à Amorgos, à Santorin, à Sikinos, à Sifnos, à Paros et à Ios avant de gagner l’île crétoise. Ici Eleftherios Vénizelos les récoit en leur ouvrant toutes les portes.
 
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Le port de Mykonos, 1911, Fred Boissonnas.
 
En 1913, en alpiniste expérimenté, il marche sur l’Olympe en compagnie de son ami Daniel Baud-Bovy, et y jouera les guides à une trentaine de journalistes quinze ans plus tard.
 
En 1913-1914, Fred Boissonnas reçut de l’ambassadeur de Grèce à Paris et ex-ministre des affaires étrangères, Athos Romanos, la modeste somme de 5000 drachmes à laquelle avait consenti le roi Georges Ier en 1907.
 
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 Kakkalos, Boissonnas and Baud-Bovy, Olympos.
 
Du voyage en Epire sortira l’album « L’Epire, berceau des Grecs » (1914) qui fait partie de la série « L’image de la Grèce ». La parution de  l’album,  représente une défense authentique des positions grecques à l’étranger.
« Nous n’avons point l’intention de poursuivre méthodiquement une description géographique de la Grèce en nous conformant aux limites administratives […] En choisissant ce titre « L’image de la Grèce », nous avons voulu, au contraire, établir un cadre qui soit assez vaste pour nous permettre d’évoquer les souvenirs de l’antiquité, de relever les trésors de l’Art grec enfouis dans les Musées et encore ignorés au grand public, de décrire, non seulement les nouvelles provinces récemment rendues a la liberté, mais aussi ces terres malheureuses, grecques de cœur, et qui doivent à nouveau, contre le vœu unanime de leurs habitants, subir les injustes arrêts de la diplomatie » [Avis des Editeurs, L’Epire, berceau des Grecs, Genève, 1914]
Delvinaki Ioanninon Dance 1913
Delvinaki Ioanninon, Dance, 1913 (Fred Boissonnas).
 
Après l’Epire, Fred Boissonnas et Daniel Baud-Bovy empruntent l’itinéraire suivi par l’armée de mer et parviennent jusqu’à la frontière greco-bulgare, photographiant les nouveaux pays qui viennent d’être libérés.
 
Le 23 août 1913 Fred Boissonnas et Daniel Baud-Bovy expédient une longue lettre au consul général de Grèce à Genève, Petros Kapsabelis, dans laquelle ils proposent la fondation d’une maison d’édition pour les arts et l’impression d’albums iconographiques (…)
 
image de la grece collage
 
1918 : Une grande expo a Paris avec le soutien de Venizélos
 
Le 14 décembre 1918 est signé un accord entre Fred Boissonnas et le ministre des affaires étrangères, Nikolaos Politis pour l’organisation d’une exposition à Paris ayant pour thème la Grèce. Le contrat final, qui sera signé le 27 mars 1919, prévoit la publication d’une série d’albums sur des régions telles que  Smyrne, la Thrace, Constantinople.
 
L’exposition, comprenant 550 photos de Boissonnas, est  présentée à Paris  sous le titre “Visions de la Grèce”, dans la sale « La Boétie », en 1919. L’expo est placée sous le haut patronage d’Eleftherios Venizelos qui a personnellement soutenu sa réalisation, avec le soutien de l’association gréco-suisse « Jean Gabriel Eynard ». L’ expo était un grand succès en attirant 40.000 visiteurs.
Les publications qui suivront témoignent de la présence de l’hellénisme dans la région des Balkans et, en même temps, préparent le terrain pour l’étape suivante de la réalisation du rêve irrédentiste de la « Grande idée ».
 
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Heraklion, Crète, Avenue Kalokairinou (Fred Boissonnas).
 
Avec le soutien indéfectible de Eleftherios Venizelos, qui connaît et admire l’œuvre de Fred Boissonnas, le « mécanisme de propagande par l’image »  parvient à son apogée avec des publications et des expositions.
 
En mai 1919, quelques jours après le débarquement des troupes grecques en Asie mineure, Fred Boissonnas envoie à Smyrne le fils aîné, Edmond, pour photographier la ville pour l’album portant  le même nom. Lui-même, avec son troisième fils Henri, partira pour Thessalonique et la région restante de Macédoine pour assembler des matériaux pour les autres albums qui “constituent l’appui idéologique et iconographique de la promotion d’une grande Grèce” (voir Eirini Boudouri).
 

collage more people  A gauche: Famille à Zemeno, Corinthe, Péloponnèse. A droite: La famille Mantaka, Lakkoi, Crète, 1911.

Au cours de l’année 1919 sortent les albums « L’image de la Grèce III : Smyrne » et « Salonique, la ville des belles églises ». En 1920-21, deux tomes sont édités sur la campagne de Macédoine sous le titre « La campagne de Macédoine, 1917-1918 ».
 
Ces publications, dédiées à Eleftherios Venizelos, seront envoyées à toutes les ambassades grecques et à toutes les personnalités politiques éminentes de l’époque.
 
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 Temps  de la récolte, Macédoine, 1911 (Fred Boissonnas).
 
La catastrophe d’Asie mineure marque l’effondrement financier des éditions Boissonnas. Mais l’infatigable Boissonnas continue ses voyages en Grèce et dans les Balkans avec un enthousiasme propre à unadolescent.
 
En 1930 il fait paraître « Le tourisme en Grèce » avec des photos tirées de son travail en Grèce et ses propres textes.
 
Mort à Genève en 1946, Fred Boissonnas et sa famille furent les premières à utiliser la photographie pour promouvoir l’image de la Grèce et bien documenter le pays, même ses régions revendiquées à l’époque,  ses coutumes, ses villages et ses personnes, de l’un côté à l’autre.  
 
Magdalini Varoucha | GreceHebdo.gr
 
A regarder | Documentaire, “Les Boissonnas“,  (1982)
 
 
 
M.V.