La rétrospective Eugène Delacroix (1798-1863) tant attendue au Musée du Louvre  (jusqu’au 23 juillet puis au MET de New-York, du 17 septembre 2018 au 6 janvier 2019) tient toutes ses promesses.
 
Eugene Delacroix, “Autoportrait au gilet vert”, 1837.

Jacques-Louis David (1748-1825), le chef de file du mouvement néo-classique qui immortalisa Le Sacre de Napoléon, meurt en exil à Bruxelles. Le génial Théodore Géricault (1791-1824), peintre à l’incarnation romantique qui laissa l’impressionnant Radeau de la Méduse, meurt d’une chute de cheval à l’âge de 33 ans. Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867), le dessinateur prodige, a découvert le Quattrocento et Raphaël, vit à Rome. Eugène Delacroix, formé à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, sous la conduite de Pierre-Narcisse Guérin (1774-1833), un artiste philhellène engagé, est l’artiste dont tout le monde parle à Paris.

Dès le début de l’exposition, le visiteur est plongé dans un sujet profond qui tient à cœur le jeune peintre : la Grèce. Afin de rendre hommage à l’héroïsme de la nation hellénique, Delacroix choisit d’immortaliser un épisode de la guerre d’indépendance grecque. Encerclée par une armée de 35.000 Turcs soutenus par une flotte importante, la ville de Missolonghi, son port stratégique situé sur la rive nord du golfe de Patras et ses 4000 patriotes, préfère s’immoler plutôt que de tomber aux mains de ses ennemis. Les défenseurs de la cité avaient été financés et entrainés par Lord Byron. Le sacrifice de la population fût héroïque. Les survivants furent massacrés. La Grèce sur les ruines de Missolonghi, œuvre de grande dimension (209cmX147cm), exposée en 1826, est un chef d’œuvre absolu. Le romantisme est saisissant. La jeune femme Grecque, d’une beauté bouleversante, le corsage entrouvert, semble résignée et s’offre avec fierté comme martyre.

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A gauche: “Jeune orpheline au cimetière” (1824). A droite: “La Grèce sur les ruines de Missolonghi” (1826) 

Cette figure allégorique bouleversante qui incarne la Grèce, fût commandé au peintre par le Comité Philhellène de Paris, crée le 21 décembre 1824. L’association compta plus de 600 membres (artistes, intellectuels, hommes de lettres et politiques) dont Chateaubriand, Firmin-Didot ou encore Adamantios Koraïs, le célèbre philologue Grec. Elle apporta une aide conséquente à de jeunes Grecs méritants et désireux de poursuivre leurs études en France, en prenant à sa charge les frais de leur éducation.

Non loin, l’accrochage met superbement en valeur Le Massacre de Scio, chef d’œuvre de Delacroix, d’un format impressionnant (419cmX354cm), volontairement provocateur, d’une grande violence et d’un réalisme sanglant. Le peintre perçoit dans la Grèce et ses révoltes un sujet saisissant et moderne. Rarement évoqué, n’ayons pas peur de le dire, c’est le premier tableau politique de l’histoire de l’art dénonçant un génocide de civils et cela 110 ans avant le célèbre Guernica de Picasso. Eugène Delacroix était obsédé par la liberté, l’histoire de son temps. Et par la Grèce bien sûr. Avec sa palette aux tons vifs, l’artiste, en 1824, dévoile au monde entier des familles grecques attendant la mort ou l’esclavage. Après l’enfer de Dante, son tableau de 1822, Delacroix dénonce la cruauté des troupes ottomanes et donne corps à l’enfer sur terre. Le succès de ce tableau sera considérable. On le qualifie de Romantisme, un mot nouveau ! Eugène Delacroix impose sa facture élégante.
 
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E. Delacroix, “Scènes des massacres de Scio”, 1824.

En déambulant dans les salles, le visiteur découvre avec enchantement un bon nombre d’œuvres où la Grèce est présente : L’officier Turc tué dans les montagnes (1826), Les Babouches (1824), Deux guerriers Grecs dansant (1823) ou encore Combat du Giaour et du Pacha (1827). Ce dernier vient d’un poème oriental de Byron qui inspira Delacroix. Il représente un giaour, surnom méprisant donné par les Turcs aux infidèles. Celui-ci a séduit Leila, esclave favorite du pacha Hassan qui se venge en la noyant. Fou de douleur, le soldat grec attaque et tue l’ottoman.

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E. Delacroix, “Deux guerriers Grecs dansant” (1823)

Eugène Delacroix est aussi un peintre élégant, le Portrait du Comte Palatino en costume souliote (Salon de 1827) en témoigne. Origninaire de Corfou, le comte Demetrius Palatino (1794-1849) fit un bref séjour à Paris et attira l’attention de la haute société parisienne acquise à la cause de l’indépendance grecque.

Dans la section décorative et des commandes faites par l’état Français à Eugène Delacroix, de nombreux sujets mythologiques reviennent dans un déluge de couleurs. L’Apollon vainqueur du Serpent Python sur le char du Soleil (1850) où le dieu des arts tue les forces du mal en présence des divinités de l’Olympe, est une pure merveille. Non loin, La dernière reine d’Egypte préfère le suicide à l’esclavage est un tableau envoutant. A Alexandrie, le paysan au visage tanné par le soleil, qui apporte un serpent mortel dans un panier de fruits, contraste avec la noblesse mélancolique au teint blanc de la reine. Enfin, terminons par un dessin extraordinaire : Jeunes filles de Sparte s’exerçant à la lutte. L’esquisse pour le pendentif d’une coupole de la bibliothèque du Palais-Bourbon, d’une précision enchanteresse, décline à coup sûr l’amour de la Grèce d’Eugène Delacroix.

Ecrit par Loïc Stavridès pour GrèceHebdo.gr | Remerciements au bureau de Presse et de Communication de l’Ambassade de Grèce en France

INFOS PRATIQUES
Quand: du 29 Mars 2018 au 23 Juillet 2018
Lieu : Musee de Louvre | Hall Napoléon, 
Ouverte tous les jours, sauf le mardi, de 9 h à 18 h. Nocturnes les mercredi et vendredi jusqu’à 21h45.
Renseignements : +30 (0)1 40 20 53 17 

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M.V.

 

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