Theo Angelopoulos est la figure emblématique par excellence du nouveau cinéma grec. Né à Athènes en 1935 au sein d’une famille de petits commerçants, il s’approprie très tôt la passion pour le cinéma. C’est pour cette raison qu’il quitte les études de droit à la faculté d’Athènes pour gagner Paris en 1961. Il s’inscrit à la Sorbonne en philosophie, suit des cours de filmologie avant d’entrer à l’Institut des Hautes Etudes Cinématographiques et à l’Ecole de documentaire au Musée de l’homme animé par Jean Rouch, ethnographe et maitre du “cinéma-vérité”.
 
Theo, imprégné de culture française, rentre en Grèce en 1964 et il s’adonne au métier de critique à un quotidien de gauche de l’époque (“Changement Démocratique”).
 
Après un film inaccompli sur un groupe pop grec, Forminx Story (1965), il tourne encore un court-métrage, La Transmission (1968), où son esprit pénétrant critique est clairement visible.
 
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Suit le premier long-métrage, La Reconstitution (1970), qui marque la rupture décisive pour ce qui est des codes dominants du récit cinématographique. D’emblée, le style de Theo frappe les esprits basé sur les lenteurs des plans, le soin du cadrage, le style hermétique mais aussi sur la problématique originale qui fait apparaître les mœurs dans un village arriéré de l’Epire et l’incursion de la passion et du crime au sein d’une communauté fermée. On est ici loin de la Grèce touristique des îles et de la lumière de la poésie d’Elytis, attrapés par la pluie, le brouillard et la solitude des paysages de la Grèce profonde.
 
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Vient ensuite le grand pari d’Angelopoulos avec l’histoire grecque contemporaine et une trilogie qui commence avec les Jours de 1936 (1972), au moment de la dictature de Metaxas et finit avec les Chasseurs (1977), en passant par son grand chef-d’œuvre, Le voyage des comédiens (1974), considéré par les critiques comme l’un des meilleurs films dans l’histoire du cinéma. Ici, l’histoire récente marquée par la défaite de la gauche au cours de la guerre civile rencontre la tragédie grecque et le mythe des Atrides constituant une méthodologie et une esthétique tout-à-fait personnelles afin de parler de grands événements historiques. Les prix ne cessent de s’accumuler tant au Festival de Salonique que dans les festivals internationaux, ce qui se répète avec Alexandre le Grand (1980), fable sur un bandit des montagnes qui devient un tyran mégalomane. Ce film, d’une durée de cinq heures, conduit Theo au Lion d’ Or au Festival de Vénice.
 
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Dans les années ’80, Theo change un peu son propre style “froid”, inspiré de la distanciation brechtienne avec Le Voyage à Cythère (1984) où la tristesse personnelle et les plaies collectives issues encore une fois de la guerre civile passent par les visages caractéristiques des grands acteurs grecs, Manos Katrakis et Dionysis Papagianopoulos. Mais Angelopoulos ouvre son cinéma aussi aux grands acteurs du cinéma mondial tels que Marcelo Mastroianni dans L’Apiculteur (1986) qui rejoint Theo aussi dans Le pas suspendu de la cigogne (1991) avec Jeanne Moreau.
 
Changement de décennie et une nouvelle réalité sociopolitique se dessine dans les Balkans sans pour autant laisser le grand metteur en scène indifférent.
Harvey Keitel est présent dans Le Regard d’Ulysse (1995), dans le rôle d’un cinéaste américain qui tente de retrouver le premier film balkanique tourné à l’aube du XXème siècle par les frères Maniakis. Le film récolte le Grand Prix du Jury à Cannes bien qu’Angelopoulos attendait le Palme d’Οr, attribué enfin à Emir Koustouritsa pour son film Underground. Le Palme d’ Or vient enfin avec son L’éternité et un jour, en 1998.
 
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Angelopoulos est à l’apogée de sa carrière mais ne cesse de chercher de nouvelles thématiques et de paysages poétiques pour tourner ses nouveaux films. Dans les années 2000, il tourne La Terre qui pleure (2004) et La poussière du temps (2008).
 
En janvier 2012, dans une banlieue du Pirée, il commence le dernier volet de sa trilogie L’autre mer, consacré à la crise grecque. Renversé par un motard au moment du tournage lorsqu’il traversait la rue, il meurt suite à de graves blessures cran-encéphaliques. La nouvelle de sa mort fait le tour du monde et la “une” de grands journaux dans le monde entier et suscite l’émotion au sein de la société grecque, frappée par une crise sans précédent, comme Theo lui-même l’avait qualifiée.