Le projet Mingei, financé par la Commission européenne dans le cadre du programme Horizon 2020, explore les possibilités de représenter et de rendre accessibles les aspects matériaux et immatériaux de l’artisanat en tant que patrimoine culturel. Le but est de mieux promouvoir le savoir-faire traditionnel auprès d’un public jeune et habitué de la technologie.

Il est à noter que ce projet réunit 9 participants issus de 6 pays européens (la Grèce en tant que oordinatrice du projet, l’ Allemagne, la France, l’ Italie, les Pays-Bas et la Suisse) et tire son nom du mouvement Mingei (“mouvement de l’art populaire”), créé en 1925 au Japon pour la revalorisation d’un artisanat issu d’une longue tradition principalement de poterie et de céramique, inspirée par le mouvement anglais Arts and Crafts.

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Culture du mastiha, Chios/ Projet  Mingei,  source: Twitter

Valoriser les  métiers et objets artisanaux en tant que patrimoine européen

Les métiers du patrimoine impliquent des objets artisanaux, des matériaux et des outils et englobent l’artisanat en tant que forme de patrimoine culturel immatériel. Les dimensions immatérielles du patrimoine culturel  comprennent la dextérité, le savoir-faire et l’utilisation habile des outils, ainsi que la tradition et l’identité des communautés dans lesquelles ils sont ou ont été pratiqués. Les métiers font partie de l’histoire et ont un impact sur l’économie des régions au sein desquelles ils s’épanouissent. L’importance et l’urgence de la préservation de ces métiers traditionnels est un projet assez urgent, car plusieurs d’ entre eux sont menacés de disparition.

En dépit de l’ importance culturelle de ces metiers, les efforts de représentation et de préservation de l’artisanat traditionnel ont été jusqu’ à aujoud’ hui dispersés un peu partout en Europe sans un projet intégré. Mingei fournit les moyens d’établir des représentations basées sur les actifs numériques, la sémantique, la littérature et les référentiels existants, ainsi que des technologies de numérisation et de représentation matures. Ces représentations saisiront et préserveront les dimensions tangibles et intangibles de l’artisanat, comme héritage culturel commun.

Au cœur de l’artisanat se trouve le savoir-faire et sa transmission du maître à l’apprenti. Afin de capter ces connaissances, le projet Mingei franchit une étape novatrice dans la préservation de l’artisanat en plaçant la narration au centre. Il a établi un canal entre les actifs humains et numériques à travers la représentation formelle des histoires et la gestion significative des données patrimoniales.

Mingei capture le mouvement et l’utilisation d’outils des praticiens, à partir de Living Human Treasures et de documentaires d’archives, visant à préserver et à illustrer les compétences humaines et la manipulation d’outils.

Les connaissances représentées seront mises à profit par le biais de présentations expérientielles convaincantes, utilisant des applications de narration ainsi que des applications éducatives.

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Projet  Mingei,  source: Twitter

L’artisanat dans l’histoire de l’Europe

Pour ce qui concerne l’origine du mot artisanat, il englobe, en effet, l’ensemble des activités manuelles extra-agricoles, au point qu’on ne distingue pas l’artisan de l’artiste. Mis à part la distinction, selon la taille de l’entreprise et l’effectif employé, entre le « secteur des métiers » et la « manufacture », ancêtre de l’industrie, il faut attendre le XVIe siècle pour que la discrimination soit faite entre les  arts mécaniques  exercés par les « gens de métier » et les  arts libéraux  exercés par les artistes proprement dits, bien que l’on ait pris l’habitude de parler d’artisanat d’art pour certains métiers où la création et l’esthétique jouent un rôle essentiel (ferronniers d’art, vitriers d’art, métiers des arts graphiques). 

L’artisanat a été important dans l’histoire de l’Europe dans son ensemble, ce qui veut dire que le développement des arts appliqués et industriels du XIXe siècle a conduit au design du XXe siècle et, en même temps, a affecté des grandes étapes historiques, telles que la révolution industrielle. L’étude des arts traditionnels  peut fournir des connaissances essentielles sur des sujets historiques, sociétaux et économiques, et l’importance des artisans ne peut être comprise que dans ce contexte. Autrement dit, il s’agit d’un héritage qui présente un fort potentiel pour les pays européens, les industries créatives et culturelles , qui jouent un rôle important dans l’économie, le tourisme, la régénération rurale et la compétitivité de l’UE, tout en offrant un terrain fertile pour l’apprentissage intergénérationnel.

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Culture du mastiha, Chios/ Projet  Mingei,  source: Twitter

Interview avec le coordinateur du projet Mingei, Xenophon Zabulis (Grèce, FORTH)

Impliqués dans le Mingei, les informaticiens de la Fondation pour la recherche et la technologie Hellas (FORTH) à Héraklion en Crète ont imaginé des solutions inattendues afin de faire enregistrer l’artisanat grec via la technologie. Xenophon Zabulis, coordinateur du projet Mingei et informaticien au sein de la FORTH, nous parle* de ce projet.

Q.Mingei est un programme international. Concernant la Grèce, pouvez-vous nous citer quelques cas typiques d’arts traditionnels qui seront captés numériquement ?

Parmi les arts déjà enregistrés numériquement, on peut citer la technique de la culture du mastiha à Chios, le tissage crétois, le travail du marbre de Tinos et l’art de la construction en pierre sèche.

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Femme tissant, Crète. Photo: Nikitas Michalakis, FORTH. Source: Mingei-project.eu

Q. En plus des traditions spécifiques au niveau national/local, avez-vous trouvé au cours du programme des pratiques communes et horizontales entre les pays participants ?

Nous avons vu que la création d’objets beaux et utiles par des artisans anonymes qui représentent la tradition et le patrimoine locaux sont des pratiques tout à fait courantes dans les pays d’Europe. Ιl semble donc que le désir de l’artisan que son art ne soit pas oublié est commun et universel.

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Projet Mingei. Source

Q. Quelles sont les réactions des personnes qui pratiquent un art traditionnel lorsque vous les approchez au sujet de l’enregistrement numérique de leur travail ?

Habituellement, ils nous accueillent avec enthousiasme, car ils se rendent compte que leur art sera sauvé via le résultat de l’enregistrement qui sera conservé numériquement. Ils se réjouissent quand ils se rendent compte que leur technique, souvent en train de disparition, sera disponible pour les générations futures.

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Projet  Mingei,  source: Twitter

Q. Pouvez-vous nous dire quels sont les principaux défis dans la mise en œuvre du projet Mingei ?

L’un des plus grands défis auxquels nous sommes confrontés est d’essayer de comprendre et présenter l’expérience et le savoir-faire d’un artisan, souvent invisibles. Pour cela, en plus de l’enregistrement numérique, nous utilisons l’ethnographie et des entretiens pour encadrer les enregistrements avec les explications des artisans.

 * Propos recueillis (et traduits vers le français) par Magdalini Varoucha

 

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M.V.
 

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