Philosophe, mathématicienne et astronome, Hypatie (vers 360-415 de notre ère) est l’une des figures les plus marquantes de l’Antiquité, connue pour sa pensée scientifique rigoureuse et sa résistance aux tensions religieuses qui secouaient son époque. Son œuvre et son fin tragique à l’âge de 50 ans, font d’elle une martyre de la liberté de pensée.
Détail de « L’École d’Athènes », chef-d’œuvre du peintre Raphaël peint entre 1509 et 1511 sur lequel figure un personnage dont beaucoup pensent qu’il s’agit d’Hypatie. Source: Wikimedia Commons
La vie d’Hypatie
Hypatie naît vers 360-370 à Alexandrie. Fille du mathématicien et astronome Théon d’Alexandrie, elle grandit dans un milieu profondément intellectuel et est rapidement formée aux sciences, à la philosophie et aux mathématiques et elle devient une enseignante de renom.
La documentation la plus fiable sur elle provient de la correspondance de Synésios, un de ses disciples, qui deviendra évêque de Ptolémaïs. Très attaché à son ancienne professeure et amie, il reste en contact épistolaire étroit avec elle, laissant transparaître sa nostalgie des cours passés, lui demandant des précisions techniques pour construire un astrolabe, lui adressant ses essais avant publication. La personnalité intime de la philosophe se dessine ainsi à nos yeux : sa vertu est unanimement reconnue à tous les niveaux, mais aussi sa beauté exceptionnelle et sa farouche résistance à toute séduction, décidée qu’elle était à rester vierge et indépendante toute sa vie. Sa science, reconnue elle aussi, ainsi que son indéniable charisme font d’Hypatie une personnalité très en vue à Alexandrie, une personne de référence, fréquentant les personnages les plus hauts placés. [Source : Anne-Françoise Jaccottet, Hypatie d’Alexandrie entre réalité historique et récupérations idéologiques : réflexions sur la place de l’Antiquité dans l’imaginaire moderne, 2010]
Une des sept lettres existantes de Synésios à Hypatie (photo de la première édition imprimée de 1553 par Adrian Turnèbe, archives du MIT). Source: Wikimedia Commons
Appartenant dans la tradition néoplatonicienne, une école qui tente de concilier la philosophie de Platon avec certains courants de la spiritualité orientale ainsi qu’avec d’autres écoles de la philosophie grecque. En tant que philosophe, Hypatie est surtout connue pour son enseignement à Alexandrie, où elle attire de nombreux étudiants, chrétiens comme païens, qui viennent s’initier à la philosophie et aux sciences.
Hypatia était également une astronome accomplie. Bien que les détails de ses travaux soient peu connus, elle aurait effectué des observations astronomiques et a contribué à l’amélioration des instruments utilisés à l’époque. En tant que mathématicienne, elle est réputée pour avoir écrit des commentaires sur les œuvres de grands mathématiciens comme Diophante d’Alexandrie et Apollonius de Perge. Elle a aussi probablement contribué à des développements dans les domaines de la géométrie et de l’algèbre.
I. Hypatie est connue pour avoir construit un astrolabe planisphérique semblable à celui ci-dessus, datant du XIe siècle. II. Portrait d’Hypatie d’Alexandrie, par Jules Maurice Gaspard (1908). Source: Wikimedia Commons
Le contexte historique : l’Alexandrie de l’Antiquité tardive
Au temps de la naissance d’Hypatie, vers l’an 360 de notre ère, l’important centre culturel et intellectuel qu’était l’Alexandrie, déclinait. Fondée par Alexandre le Grand en 331 avant notre ère, cette grande cité abritait un célèbre phare, qui était l’une des Sept Merveilles du monde antique, et le Mouseîon, où se trouvait la non moins célèbre bibliothèque de la ville, qui aurait servi à la formation des meilleurs écrivains, médecins, scientifiques et philosophes du monde antique.
Pourtant, au début du Ve siècle, Alexandrie était aussi une ville déchirée par des conflits religieux et politiques. En 380, l’empereur Théodose Ier fait du christianisme la religion officielle de l’Empire romain, Alexandrie y compris, et ordonne que le punissement des mécréants. Dans ce contexte tumultueux , les tensions entre chrétiens et non-chrétiens ainsi qu’entre les pouvoirs ecclésiastique et civil s’exacerbèrent. Cette lutte s’incarne dans les personnages de Cyrille, patriarche d’Alexandrie, et d’Oreste, préfet impérial qui comptait sur le soutien de son amie païenne Hypatie.
L’odéon de Kom el-Dikka, à Alexandrie, est l’un des endroits où des philosophes comme Hypatie sont susceptibles d’avoir enseigné. Source: Wikimedia Commons
La fin tragique d’Hypatie
Malgré ses nombreuses vertus, son charisme et ses connaissances hors du commun, nous ne saurions certainement rien d’Hypatie si elle n’était morte de façon tragique.
Un jour de mars 415 apr. J.-C., nous rapporte Socrate le Scholastique, dans son Histoire ecclésiastique, Hypatie rentre chez elle ; elle est agressée devant sa porte par une horde de moines fanatisés. Sans aucun doute, c’est cette fin atroce qui va garantir l’immortalité à Hypatie, qui va la faire échapper à l’oubli qu’ont connu d’autres femmes intellectuelles peut-être bien aussi brillantes que le fut Hypatie. [Source : Anne-Françoise Jaccottet, 2010]
Illustration de la mort d’Hypatie dans Vies des savants illustres, depuis l’Antiquité jusqu’au dix-neuvième siècle de Louis Figuier, 1866. Source: Wikimedia Commons
L’héritage d’Hypatie a traversé les siècles et est devenu un symbole de la lutte pour la liberté de pensée, l’émancipation des femmes et la résistance contre l’intolérance religieuse.
Sa vie tragique, marquée par la violence, mais aussi par la grandeur de son œuvre, continue de résonner comme un appel à défendre la raison et la liberté de pensée dans des temps d’obscurantisme.
M.V.
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