Geneve, Mai 2024. Photo officielle de Christina Kitsos, Conseillere administrative de la Ville de Geneve et Maire de la Ville de Geneve du 1er Juin 2024 au 30 mai 2025. © Magali Girardin

Christina Kitsos, de nationalité suisse et grecque, est membre du Conseil administratif (Exécutif) de la Ville de Genève. Depuis son élection en 2020, elle a la charge du Département de la cohésion sociale et de la solidarité. Le 1er juin 2024, elle devient maire de la Ville de Genève. Le 13 avril 2025, elle est réélue au Conseil administratif de la Ville de Genève.

Elle commence son engagement politique en tant que membre du Parlement des jeunes. Ses convictions en faveur de l’égalité, de la justice sociale et climatique et d’une société ouverte et solidaire l’ont amenée à rejoindre le Parti socialiste, il y a plus de 20 ans. Elle a été députée au Parlement neuchâtelois de 2005 à 2008 et conseillère municipale au sein du délibératif de la Ville de Genève de 2015 à 2020.

Grèce Hebdo* a eu l’occasion de s’entretenir avec Mme Christina Kitsos sur les principaux défis de son mandat de maire et de sa carrière politique, ainsi que sur les relations gréco-suisses et le néo-philhellénisme. Mme Kitsos nous a également parlé de la diaspora grecque en Suisse, ainsi que de sa relation personnelle avec la Grèce et la culture grecque.

Vous mentionnez, dans votre site web, que vous avez choisi de centrer votre année de Mairie sur « ce qui nous lie, ce qui fonde notre contrat social et renforce nos solidarités ».  Quels étaient les principaux défis auxquels vous avez été confrontés au cours de votre mandat et quelles ont été vos priorités ?

J’ai placé mon année de mairie sous le signe de « Ce qui nous lie ». Dans un contexte socio-économique et géopolitique instable, il me semblait nécessaire de réaffirmer notre attachement à un destin commun, et à une ville-monde – Genève – porteuse des valeurs de paix, d’égalité et de justice sociale. Les défis rencontrés durant mon mandat ont été nombreux et pour certains inédits. J’ai pris mes fonctions en pleine pandémie et ma priorité a été de soutenir les personnes les plus vulnérables. Une population largement invisibilisée, souvent sans statut légal, a été mise en lumière dans une des villes les plus riches du monde. L’augmentation du nombre de places de crèches, la revalorisation salariale des métiers dits féminins de la petite enfance, et la création de plus de 500 places ouvertes toute l’année pour les personnes sans abri figurent parmi les réalisations de cette législature.

Le «Palais Anna et Jean-Gabriel Eynard» abrite les bureaux du conseil administratif de Genève.
Photo : Romano1246CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Vous faites une carrière remarquable dans la vie politique en Suisse. Est-ce que vous avez rencontré des difficultés particulières en tant que jeune femme d’origine grecque ?

Le fait d’être une femme et d’être socialiste aurait pu susciter davantage de difficultés que le fait d’être d’origine grecque ! Il n’en reste pas moins que l’égalité reste un combat à poursuivre. La Grèce bénéficie d’un fort capital sympathie par sa culture, son histoire, son sens de l’hospitalité, sa lumière si particulière. Plus globalement, Genève est une ville composée de plus de 190 nationalités aux parcours très divers. Sa richesse et son identité résident dans l’apport des différentes migrations depuis plus de cinq siècles.

Le buste de Ioannis Capodistrias a été dévoilé en mars dernier à Genève au palais du grand philhellène Jean-Gabriel Eynard, comme un symbole de l’amitié gréco-suisse. Quels sont les liens de Capodistrias avec la Suisse et pourquoi est-il important de faire référence aujourd’hui à ces deux grands personnages historiques ?

Ioannis Capodistrias est une figure remarquable de l’histoire européenne. Il incarne les valeurs universelles de paix et de démocratie qui sont chères à Genève. La période troublée que nous traversons doit nous encourager à requestionner la démarche et la pensée de Capodistrias. Son engagement incarne une volonté de dialogue entre les nations, un idéal de justice et de solidarité. Il nous appartient de nous en inspirer pour agir avec courage et conviction face aux défis historiques.

Capodistrias a joué un rôle déterminant dans le destin de la Suisse. La Constitution de 1814 doit beaucoup à sa clairvoyance et à son sens aigu de l’intérêt général. Durant le Congrès de Vienne, il contribue à l’indépendance de la Suisse et à la reconnaissance internationale de sa neutralité. Des personnalités genevoises éminentes comme Anna et Jean-Gabriel Eynard, philhellènes de la première heure, et grands amis de Capodistrias, ont fait entendre leur voix en faveur de la cause grecque et ont contribué à financer son indépendance.

Le buste de Ioannis Capodistrias a été dévoilé à Genève le 25 mars 2025 en présence des Autorités de la Ville et du canton de Genève, de représentants de la République de Grèce, du Corps Consulaire, de nombreux Grecs et de Suisses philhellènes. L’événement a été salué par la maire de Genève Mme Christina Kitsos (photo 1) | Mme Ekaterini Simopoulou, Ambassadrice de Grèce en Suisse et M. Alexandre Yennimatas, Consul général de Grèce à Genève (photo 2). Source : Page FB Consulat général de Grèce à Genève

Dans une de vos interviews vous avez mentionné le terme de néo-philhellénisme en Suisse. En quoi ce terme consiste-t-il de nos jours ?

Genève a été un centre du philhellénisme au XIXème siècle. Lorsque, en mars 1821, les Grecs se révoltèrent contre la domination de l’Empire ottoman, un comité philhellénique a vu le jour à Genève. Aujourd’hui encore, nous cultivons les liens entre nos deux pays, en témoigne par exemple l’association gréco-suisse Jean-Gabriel Eynard, qui entretient la mémoire philhellénique, favorise les échanges culturels entre Genève et la Grèce, et valorise la culture grecque antique moderne dans notre Cité. Le grec ancien continue à être enseigné à Genève, et ce depuis 1561. Depuis 1964, l’Ecole suisse d’archéologie en Grèce étudie les vestiges de l’ancienne cité d’Erétrie, dans l’île d’Eubée. C’est la seule mission archéologique suisse permanente hors des frontières nationales.

Jean-Gabriel Eynard – Source : Domaine public via Wikimedia Commons.

Parlez-nous un peu de la diaspora grecque en Suisse. Comment a-t-elle évolué au cours des années ? Quelles sont vos relations avec les communautés grecques ?

La diaspora grecque en Suisse est modeste, mais bien établie. Elle compte près de 15’000 personnes, essentiellement dans les grandes villes comme Genève. Il y a eu plusieurs vagues migratoires depuis les années 1950-1970 jusqu’à la crise de 2008-2015, essentiellement pour des raisons économiques. J’entretiens avec les communautés grecques des relations étroites, tant sur le plan politique que personnel. Encore récemment, j’ai eu l’occasion d’échanger en visioconférence avec le maire de Corfou au sujet du général Guillaume Henri Dufour, qui réalisa la première cartographie et étude de l’île.

“Sans titre” – Peinture de Danil (Daniel Panagopoulos) (1924-2008) – Source : nationalgallery.gr

Vous êtes née en Suisse, mais vous maitrisez parfaitement le grec. Comment voyez-vous votre relation avec la Grèce et la culture grecque ?

J’ai été naturalisée Suissesse à l’âge de 6 ans. J’ai toujours cherché à trouver des liens, à effectuer des comparaisons entre ces deux identités, qu’il s’agisse de politique, de poésie ou de l’imaginaire des langues. J’ai toujours baigné dans l’univers culturel grec, avec beaucoup de musique, avec des compositeurs comme Míkis Theodorákis, la présence de femmes d’exception comme Melina Mercouri, de poètes comme Yánnis Rítsos ou d’auteurs comme Níkos Kazantzákis. Cette identité grecque, cette affection que je porte à la Grèce fait partie de moi et je la transmets également à mes enfants.

* Interview accordée à Ioulia Elmatzoglou | GreceHebdo.gr 

IE

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