Né en Crète dans les années ’80, Christos Markogiannakis, après des études en Criminologie à Athènes et à Paris, et après avoir travaillé pendant plusieurs années comme avocat pénaliste, s’est très vite intéressé par la représentation du meurtre dans l’art. Résidant actuellement en France, il conceptualise des installations ‘’criminartistiques’’, des représentations visuelles des crimes qui ont été décrits dans des œuvres artistiques, et de plus, il organise des tours privés au Musée du Louvre où, comme il dit, le meurtre sur toile et sur marbre est omniprésent. En même temps, il ne cesse pas de lire et d’écrire des polars.

Son premier livre paru en français chez les éditions Le Passage, s’intitule ‘’Scènes de crime au Louvre — Une enquête criminartistique’’. En appliquant les principes de la criminologie et de l’histoire de l’art pour une analyse ‘’criminartistique’’, Scènes de crime au Louvre se propose d’étudier et d’interpréter un choix d’une trentaine d’œuvres d’art. Chaque œuvre est  traitée comme une scène de crime et donne lieu à une enquête fouillée, s’inspirant des principes des équipes judiciaires et médicolégales.

Avant de la parution (28 mars 2018) de son dernier ouvrage ‘’Au cinquième étage de la faculté de droit’’ chez les éditions Albin-Michel, GrèceHebdo s’est entretenu avec Christos Markogiannakis sur son parcours de l’École de Droit à l’écriture des livres et sur l’omniprésence du ‘’meurtre’’ dans les différents représentations de l’art. 

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Du droit pénal au polar. Comment ce passage a eu lieu ?

L’écriture des polars est l’aboutissement d’un long chemin qui a commencé avec l’étude du droit, en passant bien évidemment par le biais de la criminologie. Le droit m’a donné la discipline, et l’exercice du droit pénal m’a montré comment chercher, trouver et puis analyser les nuances de la nature humaine. De plus, le droit m’a permis d’interpréter les faits, associés à un acte criminel dans la mesure où la pensée juridique aide à construire un récit autour d’un début fait des arguments solides en suite, et une fin bien structurée. Comme dans un polar. La seule différence entre les le droit et le polar, c’est l’imagination. Même si parfois dans la vraie vie, les vrais cas criminels, dépassent la fiction.

Donc, le droit a mis la base, puis mes études de criminologique ont satisfait mon besoin de voir le phénomène criminel d’une façon moins serrée. La criminologie approche le crime sous un angle pas  qui n’est strictement légal, mais qui est aussi sociologique, psychologique, voire biologique.

C’est alors tous ces ingrédients, le droit et la criminologie, mais en même temps ma fascination pour la littérature policière depuis mon enfance, qui m’ont poussé à écrire. À écrire des livres, qu’un pénaliste, un criminologue et un lecteur fanatique –donc  exigeant- des polars comme moi aimeraient lire. Et heureusement, je n’étais pas le seul!

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Est-ce que l’art est un champ propice pour la représentation du meurtre ? Pourriez vous nous parler du concept de ‘’criminart’’ ?

Comme l’écrit Émile Durkheim, l’un des fondateurs de la sociologie au XIXe siècle: «Le crime est normal, parce qu’une société qui en serait exempte est tout à fait impossible». Il est omniprésent, il est une condition «normale» de toute civilisation, toujours et partout. Et comme la plupart des activités sociales, le crime a trouvé, à travers le temps, sa représentation dans l’art. Mais tous les crimes ne sont pas dignes d’être représentés. De tout temps, les artistes ont été inspirés, non par les crimes insignifiants, mais par les crimes les plus sensationnels, qui produisent, chez le spectateur ou le lecteur, les impressions les plus intenses. Le meurtre en est l’exemple parfait.

Dans les arts narratifs, neuf œuvres sur dix, drame, roman ou comédie, contiennent un ou plusieurs crimes; alors que dans les arts visuels, la proportion est inverse : une peinture sur dix – et moins encore pour les sculptures – représente un crime, à titre de sujet principal ou secondaire. Mais même si la représentation plastique du meurtre est plus rare, elle reste fascinante. Et elle est souvent inspirée par la Mythologie Grecque, la Bible, l’Histoire, qui comportent des meurtres violents et fantaisistes.

Le concept de “Criminart” est  le fruit du mélange de mes deux passions : l’art et le crime. Avec ‘’Criminart’’, j’interprète des œuvres d’art, d’une façon criminologique (en cherchant les coupables, les victimes, des indices, des mobiles etc. afin de découvrir la vérité – ou plutôt ma vérité, comme je fais avec le «Scènes de crime au Louvre» et prochainement « Scènes de crime à Orsay »  éditions Le Passage). En même temps, je crée des installations qui font réagir le spectateur face à la nature humaine –criminelle. Ce dernier temps avec l’écriture, la création des installations est restée un peu dans l’ombre. Des idées ne me manquent pas, mais c’est le temps qui me manque. J’espère en trouver bientôt !

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Pourquoi le crime est un sujet choisi dans la littérature? Et pourquoi le public semble si fasciné au cours des dernières années par le polar ?

Comme je vous ai dit, les artistes en général et les écrivains plus particulièrement veulent fasciner et captiver leurs publics, leurs lecteurs. Et avec le meurtre on fascine, on choque, on captive, on cartonne.   

Car les publics étaient toujours fascinés pars les mésaventures, les crimes et la violence dans les spectacles –comme les tragédies grecques-  ou la vrai vie –comme l’ exécution de criminels mise en scène comme un spectacle dans les amphithéâtres romains. C’est notre côté noir, l’instinct sauvage qui trouve son apaisement. Et en même temps, ces représentations dans les films ou les lectures, même les photos des vrais massacres, nous font sentir en sécurité, comme on les regarde de loin, depuis le confort de chez nous. Comme le philosophe Irlandais, Edmund Burke l’a dit, « il est absolument nécessaire que ma vie soit hors de tout danger imminent, avant que je puisse prendre plaisir aux souffrances des autres, réelles ou imaginaires ».  Et pour finir, dans les polars, neuf fois sur dix le « mauvais » est arrêté et puni, on a donc la rassurance que la justice triomphe, qui n’est pas toujours évident dans la vraie vie.  

J’espère que mon polar « Au 5e étage de la faculté de droit » (éditions Albin Michel) qui vient d’apparaître en France, va plaire aux lecteurs Français, si exigeants.

Quelles sont les lectures préférées de l’écrivain Christos Markogiannakis?

Je lis évidement beaucoup de polars – je retourne très souvent à la reine Agatha Christie- j’aime l’histoire, les romans biographiques, et pour mes livres « criminartistiques » l’histoire de l’art. Quand je n’écris pas ou je ne fais pas de la recherche pour un prochain livre, je lis. C’est donc très probable de me croiser dans un café dans le 1er arr., seul avec un livre. N’hésitez pas à me dire bonjour ! 

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Entretien accordé à Maria Oksouzoglou

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