Mon pays à moi ce sont des chaînes de montagnes
des arbres que quelqu’un a renversés
en ouvrant le jeu d’enfant
Farma
des nuages véloces demeurés prisonniers
des gaz d’échappement et des prières
pour que vienne la pluie
des animaux exploitables
et d’autres qui trouvent seuls
leur pâture
des fleuves asséchés mais des grenouilles
chanteuses
Mon pays à moi c’est la terre et tout ce
qui est renfermé dans la terre
des graines semées dans d’incroyables
profondeurs pour ne pas être brûlées du soleil
des ancêtres que l’on a plantés
sous des pavages de maisons avec un
toit tout rond
mais il se peut aussi que les toits fussent
plats
des ancêtres sous les seuils
avec une pierre qui leur écrase
la poitrine dans la position du fœtus
crainte des morts mais aussi
signe de respect
j’ai su il y a peu que certains
autres très loin de nous
les Ahilpa
transportaient (car ce sont des nomades)
un tronc de bois qu’ils fichaient
profondément dans la terre
c’est ainsi qu’ils s’orientaient
c’est ainsi que le chaos entrait dans un moule
ce chaos que nous n’avons pas pu
gérer car nous autres
autre nourriture autre digestion
autres indigestions car
avec nos aliments on devait manger
des pierres non pas comme certains oiseaux
les perdrix et d’autres qui les
picorent pour digérer
non nous on devait manger des pierres bouillies
des pierres frites tartinées
de boue c’était là notre régime
de père en fils
Giorgos Kalozoïs, « Ο τόπος μου » (Mon pays à moi), Η κλίση του ρήματος (La conjugaison du verbe), éditions Farfoulas, Athènes, 2009. Traduction de Danielle Morichon via le site web https://essaisdok.wordpress.com/manifestations/salon-de-la-revue-2022/
Peinture : Arlioti Lili (1908 – 1979) Mandragore, 1964 – Source: nationalgallery.gr
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