Tanguant comme un perdu, Pythéas contemplait
l’océan devant lui du haut de la dunette.
Dans la hune, le fils de Dorothée, le muet,
zieutait deux femmes nues au bout de sa lorgnette.

Le camée de l’Aztèque était sur le galion.
Un corps en peau de bouc à l’intérieur friable.
Un chargement de rats, de vers et de scorpions.
Palos. Nous rapportions le chancre inguérissable.

Puis, prosternés, devant les boules du grand Khan,
à cheval en canot sur les Chinoises fines,
-tailles d’oiseau, toison de soie, roses tétines-
la boussole volée avons prise en partant.

Aux galères du Pape, en tête des rameurs,
nous ravagions les ports, les estuaires, les passes ;
et répandant partout la peste et la terreur,
notre semence folle allait brassant les races.

Des femmes en tous lieux, cathédrale ou masure,
sur des caisses d’épices, ou derrière un baril,
venaient laver le sel de nos vieilles blessures,
vêtues soit de haillons, soit d’or jusqu’au nombril.

Cordages bien roulés, nos ancres toujours prêtes,
et nous, debout, que nul typhon ne peut fléchir,
mâchant, vrais chimpanzés, bananes, cacahuètes,
avec pour tout credo : Tuons le repentir.

En route, compagnons ! Avançons face au vent !
Allons vite cracher notre giclée finale
en l’étrange contrée où les filles, devant,
l’ont fendu de côté ou à l’horizontale

Νikos Kavvadias : Recuil “Traverso”, 1975 – Traduit du grec par Michel Volkovitch : “Anthologie de la poésie grecque contemporaine”, Gallimard, 2007

Peinture : Vakalo Georgios (1902-1991) Sans titre, vers 1960-1968 – Source: nationalgallery.gr

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