Il y a longtemps qu’on n’a pas entendu
la dernière pluie mouillant fourmis et lézards
Le ciel à présent brûle immense
Les fruits se teignent la bouche
Les pores de la terre peu à peu s’ouvrent
Et près de l’eau qui épèle goutte à goutte
Une énorme plante fixe le soleil en face !
Qui donc est allongé là-haut dans le sable
Fumant sur le dos des feuilles argentées d’olivier
Les cigales s’échauffent dans ses oreilles
Les fourmis s’affairent sur sa poitrine
Les lézards glissent dans le buisson de l’aisselle
Des algues de ses pieds sort une vague légère
Qu’envoie la petite sirène et elle chante :

Ô corps de l’été nu brûlé
Mangé par l’huile et par le sel
Corps du rocher frisson du cœur
Grand flottement de la chevelure-osier
Haleine de basilic sur le pubis frisé
Couvert d’étoiles et d’aiguilles de pin
Corps vaisseau profond du jour !

Viennent de petites pluies des grêles brutales
Passent les côtes meurtries aux griffes de la tempête
De neige toute noire là-bas au-dessus des vagues furieuses
Les collines plongent dans les mamelles gonflées des nuages
Mais derrière tout cela tu souris insouciant
Et retrouves ton heure immortelle
Comme te retrouve sur les sables le soleil
Et comme le ciel dans ta santé nue.

Odysseas Elytis (1911-1996), Recueil “Orientations”, 1939, éd. Pyrsos.
Traduction du grec : Michel Volkovitch
Peinture : Spyros Vasileiou, “Soleil d’or”, 1975. Source: nikias.gr

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