Le village de Cargèse en Corse-du-Sud, l’église latine de Saint Antoine – Source: Pierre BonaCC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Situé en Corse-du-Sud, le village de Cargèse célèbre Pâques d’une façon unique. L’église grecque de Saint-Spyridon et l’église latine de Saint Antoine célèbrent ensemble la Semaine Sainte ainsi que la résurrection du Christ selon le rite grec, avec la participation de l’évêque de Corse. Il s’agit d’une tradition qui remonte à plusieurs siècles, due à la communauté grecque qui a été installée dans ce village depuis 1676 fuyant leur village de Vitylo dans le Péloponnèse pourchassés par les Turcs. À l’origine orthodoxes, ces Hellènes avaient dû adopter la religion catholique en échange du droit de pouvoir rester sur place. Le rite byzantin, lui, a néanmoins perduré au fil des générations.

Les deux églises, qui se font face sur le front de mer et sont séparées par un simple potager, ont été édifiées au XIXe siècle. L’église grecque de Saint Spyridon, appelée église grecque-catholique hellène -l’unique église de France petite communauté catholique orientale- est dédiée à l’évêque chypriote du même nom, connu pour être le saint protecteur des marins. A noter que l’église grecque est tournée vers l’est, ce qui est inhabituel dans le rite oriental afin que l’édifice puisse faire face à l’église latine de Saint Antoine, symbolisant la symétrie, l’œcuménisme et le partage dans le village de Cargèse.  

L’église grecque de Saint Spyridon – Source Pierre BonaCC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Classée Monument historique l’église grecque est un joyau d’architecture religieuse avec une belle façade blanche et un clocher octogonal abritant trois cloches qui se distingue dans le ciel bleu. L’aspect extérieur de l’église est de type occidental. Cet édifice est de style néogothique, à nef unique, de plan rectangulaire.

Si l’architecture de l’église n’est en rien byzantine, la décoration intérieure l’est. Les statues, orgues, bénitiers et tables de communion ne figurent pas au sein de l’église, car il s’agit d’éléments qui sont étrangers au rite oriental. Quatre icônes venues de Vytilo en 1676 ornent cet édifice religieux. Une superbe iconostase (séparation de bois richement pourvue d’icônes et peintures) offerte à l’église de Cargèse et datant de 1886 sépare le sacré et le profane, une partie renfermant l’autel et étant dédiée à l’officiant, et une autre rassemblant les fidèles.  

L’iconostase de l’église grecque – Source: https://www.cargese.corsica/panneau-eglise-grecque/

La Semaine Sainte constitue l’apogée des cérémonies de Pâques. Le Vendredi Saint marque la mise au tombeau du Christ. L’Epitaphios est porté le soir en procession dans le village avec l’accompagnement des chants et des lamentations dans l’église non éclairée. La cérémonie religieuse du Samedi Saint se déroule à minuit, dans un premier temps à l’extérieur de l’église. La divine liturgie du feu nouveau est commémorée par suite au sein de l’église, ce passage dans l’intérieur de l’édifice marquant la victoire de la Lumière sur les ténèbres.

Les célébrations le lundi de Pâques au fil des années – Source: https://www.cargese.corsica/panneau-eglise-grecque/

La résurrection est célébrée le lundi de Pâques, également appelé lundi du renouveau, qui, suivant la tradition, est marqué le matin par une divine liturgie suivie d’une procession villageoise à l’occasion de laquelle l’icône de la Vierge en majesté avec l’Enfant Jésus est portée. Des coups de fusil se font entendre, les armes étant déchargées en signe de paix, et une bénédiction des campagnes est effectuée. Les fidèles latins font également résonner les cloches de leur église ce jour, en signe de partage.

L’histoire de la communauté grecque de Corse commence en 1668. Les habitants de Vitylo dans le Péloponnèse, des Maniotes, alors attaqués sans relâche par les Turcs, se mettent d’accord pour abandonner leur terre ancestrale. Environ 800 Grecs prennent la difficile décision de partir pour offrir la paix à leurs familles et à leurs descendants. Ils partiront, mais ce ne sera pas le seul exode nécessaire pour trouver une paix durable. La Corse étant alors sous domination génoise, la République de Gênes leur accorda des terres à Paomia, à quelques kilomètres de l’emplacement actuel de Cargèse.

Source: https://www.cargese.corsica/panneau-eglise-grecque/

Mais en 1731, les Grecs furent chassés par les insulaires, qui voyaient en eux les alliés de la République de Gênes, et contraints de s’exiler à Ajaccio. Le village de Cargèse fut construit à compter de 1776, sous l’impulsion du Comte de Marbeuf, Gouverneur de l’île, afin que les Grecs puissent s’y installer.

Le village de Cargèse – Source: https://www.cargese.corsica/panneau-eglise-grecque/

A Cargèse, de nombreux patronymes de nos jours comme Dragacci, Frimigacci, Garidacci, Voglimacci, Zanetacci sont d’origine grecque, leur terminaison initiale en “akis” s’étant transformée en “acci”.

Depuis 1992, Cargèse est jumelé avec Vitylo. Des activités culturelles et des manifestations sont souvent organisées pour maintenir et renforcer les liens entre les villages de Mani et les Grecs de Corse.

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