L’exposition “La cohérence du processus de peinture”, actuellement présentée à la Bibliothèque nationale de Grèce, offre une occasion unique d’explorer le travail d’Iro Kanakakis (1945-1997), une artiste visuelle prolifique décédée à l’âge de 52 ans.

L’exposition, qui présente soixante œuvres d’art, nous guide à travers ses quêtes et ses poursuites artistiques. La trajectoire artistique de Kanakakis a d’abord été façonnée par le climat politique sombre de la dictature en Grèce, puis par son séjour en Angleterre. Puisque l’œuvre et la vie de Kanakakis one été marquées par la junte grecque (1967-1974), c’est une grande chance que l’exposition coïncide avec le cinquantième anniversaire du rétablissement de la démocratie en Grèce.

Kanakakis a expérimenté un large éventail de techniques et a été fortement influencée par divers mouvements artistiques ainsi que par des circonstances politiques et personnelles. D’abord influencée par le réalisme critique, elle est passée au réalisme magique et au surréalisme, au pop art, à la peinture anglaise d’après-guerre et au mouvement néo-expressionniste des années 1980, pour finalement expérimenter un expressionnisme profondément subversif.

Iro Kanakakis est née en 1945 au Pirée. Elle a étudié à l’école des beaux-arts d’Athènes et a rapidement rejoint le mouvement étudiant en tant que membre éminent de la Jeunesse démocratique Lambrakis. Dès les premiers jours du coup d’État militaire du 21 avril 1967, elle est arrêtée et exilée sur l’île de Gyaros. De retour à Athènes, elle obtient son diplôme avec distinction en 1969 et, en 1972, elle crée la couverture du premier numéro de la revue « Anti », publié en mai 1972. La revue a été interdite par le régime – elle a été rééditée après la chute de la junte en 1974.

En décembre 1972, elle organise sa première exposition personnelle, dans laquelle elle présente un style réaliste et tranchant, associé à une forte orientation sociopolitique. En 1973, elle épouse Vassilis Kapetanyannis et le couple s’installe bientôt en Angleterre, où elle suit les cours du Croydon College of Art. Elle a également travaillé pour le service grec de la BBC (radio), rédigeant et présentant des programmes axés sur les événements artistiques, tout en exposant régulièrement en Grèce et à l’étranger.

En 1989, elle retourne en Grèce et commence à enseigner à l’école d’art de Vakalo. Iro Kanakakis est décédée subitement en 1997 à son domicile d’Athènes, à la suite d’une attaque cérébrale, à l’âge de 52 ans.

Bien qu’éphémère, sa trajectoire artistique témoigne d’un dévouement et d’une honnêteté inébranlables. Kanakakis a servi son art avec une constance et une persévérance incomparables.

Notre publication affiliée Greek News Agenda* s’est entretenue avec le commissaire de l’exposition, Spyros Moschonas, au sujet du langage artistique de cette artiste visuelle multidimensionnelle.

L’exposition rend hommage à Iro Kanakaki, sous le titre “La cohérence du processus de peinture”. Comment cette “cohérence” se reflète-t-elle dans les œuvres de l’artiste ?

Cette phrase appartient à l’historien de l’art Yannis Papaioannou, professeur et doyen de l’école Vakalo et collègue d’Iro Kanakaki, qui a enseigné à l’école de 1989 jusqu’à sa mort.

L’expression a été utilisée comme titre de la dernière exposition personnelle de Kanakakis à Athènes, en mars 1995. Elle a été délibérément choisie pour souligner son choix de travailler avec ce que l’on appelle la peinture de chevalet.

Bien que Kanakakis ait étudié la gravure à l’École des beaux-arts d’Athènes et, plus tard, en tant qu’étudiante de troisième cycle au Croydon College of Art de Londres, elle a abandonné la gravure après avoir terminé ses études. Finalement, en tant qu’artiste, elle a toujours exploré des questions purement picturales (dessin, couleur, composition). Elle met l’accent sur la représentation, tout en faisant évoluer son style au fil des ans.

Iro Kanakaki est connue pour son idiome artistique aux multiples facettes. Son approche réaliste initiale évolue vers un expressionnisme intense, tandis que ses compositions comportent des éléments de réalisme, de surréalisme et de néo-expressionnisme. Comment expliquez-vous cette constante adaptation stylistique dans son travail ?

Kanakakis se définit par les conditions sociopolitiques dans lesquelles elle a vécu et créé – comme tous les artistes, à toutes les époques. L’artiste ne vit pas en dehors de la société, il en fait partie intégrante. Kanakakis, en particulier, était politisée et activement impliquée dans le mouvement étudiant grec. À l’école des beaux-arts d’Athènes, on lui a enseigné l’écriture expressionniste avec des éléments abstraits.

Pendant la junte grecque (1967-1974), comme beaucoup de jeunes artistes grecs, elle s’est orientée vers l’art politique. Plus tard, elle a suivi le réalisme critique.

À la chute de la junte, le réalisme critique de Kanakakis devient progressivement magique sans perdre son message politique. Cette phase dure jusqu’en 1980. Peu à peu, la peintre est influencée par l’art contemporain anglais, puisqu’elle a vécu en Angleterre de 1973 à 1989. Ses œuvres de la fin des années 1980 sont influencées par des peintres tels que Lucian Freud, Francis Bacon et l’ « école de Londres ». Plus tard, elle a assimilé les influences de la Transavanguardia et du néo-expressionnisme. Cependant, tous les changements stylistiques sont principalement liés à ses préoccupations personnelles et à son développement artistique.

Les premières œuvres de Kanakakis appartiennent au mouvement du réalisme critique. Pensez-vous qu’il existe aujourd’hui une tendance similaire dans l’art contemporain grec ?

C’est une excellente question. La vérité est que lorsque Kanakaki était jeune, la junte était visible et largement reconnue comme l’ennemi par la société. Depuis lors, cependant, l’art politique en Grèce est en déclin. Au niveau mondial, en termes d’art contemporain, la politisation et l’activisme se sont déjà rétablis dans les années 1970 à travers des formes d’art conceptuel, telles que la critique institutionnelle, en particulier sur la scène new-yorkaise. Des tendances similaires ont également existé en Grèce.

À la suite de la crise de la dette grecque, qui a provoqué des tensions sociales et de profondes blessures, de nombreux artistes visuels ont produit des œuvres à forte empreinte politique, en particulier ceux qui s’expriment par le biais de nouveaux médias, tels que les installations, l’art vidéo, l’art sur internet, etc.

En ce sens, il s’agit d’une tendance populaire dans l’art contemporain grec. Elle est représentée par de nombreux artistes et explore diverses questions contemporaines telles que les inégalités sociales, le changement climatique, les flux de réfugiés, les minorités, la traite des êtres humains, etc.

* Entretien accordé à Dora Trogadi | greeknewsagenda.gr

© Vassilis et Constantina Kapetanyannis. Toutes les photos sont de Leonidas Kouriantakis.

INFOS

“La cohérence du processus de peinture”
Stavros Niarchos Foundation Cultural Center (SNFCC)
Bibliothèque nationale de Grèce, 2ème étage
Durée de l’exposition : 23/1/2024 – 22/3/2024
Tous les jours : 09:30-20:00

Entrée libre

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