Nikos Kavadias

MOUSSON 

La mousson cette nuit a bousillé la coque.
Un rameau, du papier, la plume dans ta main.
Quatre vents t’ont battu, tes habits sont en loques.
Je voulais te couvrir, tu bouges, pas moyen.

Ce corail est pour toi, cadeau du moussaillon.
 Pourquoi griffer si fort la rambarde pourrie ?
Une invisible taie vient troubler ta vision ;
à tout ce bleu un gris de cendre se marie.

En attendant le jour, je t’en prie, reste là :
je trouverai du vert, et de rares nuances,
et te dirai le conte qu’un noir me souffla
lors de la nuit de l’incendie en Casamance.

Je n’ai pas oublié la chanson de Nankin,
ni le palmier de Paramé qui se lamente.
Déjà — me dit l’oiseau — tu sais tout par quelqu’un
d’autre, dont les récits plus que les miens t’enchantent.

C’est la peine qui parle ainsi, et la chaleur.
Têtue. Plume, papier, rameau… Tu les balances.
On n’est plus des enfants, on évite les pleurs.
Ah ! pouvoir — «non, Sindbad» — rejoindre mon enfance !

Aube, quel diable indien a souillé ton sourire ?
Le marin à la barre et le soutier au feu.
Nous qui avons pour peau la crasse du navire,
au port, encore un coup, nous gagnerons au jeu.

                                                                            (Océan Indien, 1951)
Traduction:Michel Volkovitch

 Le poème original en grec sera disponible sur notre page facebook

TAGS: 05_06_2014