L’hymne national de la Grèce se compose de deux premières strophes du poème “Hymne à la liberté” qui fut écrit en mai 1823 sur l’île de Zante par le poète Dionysios Solomos (1798-1857). Un an plus tard, il fut publié à Messolognhi et en 1828, le musicien et ami de Solomos, Nikolaos Mantzaros (1795-1872), mit le poème en musique en s’inspirant de motifs populaires, non comme marche militaire mais pour une chorale masculine à quatre voix. Depuis, l ”Hymne à la Liberté” était régulièrement joué lors de commémorations nationales.
 
Ce poème de 158 strophes fut publié en trois éditions consécutives, en 1825: d’abord à Paris (traduit par Stanislas Julien (1799-1873) sous le titre: “Dithyrambe sur la Liberté”), puis à Londres, et enfin, dans Messolonghi assiégé, en minuscules italiennes. La version française de l’« Hymne à la liberté », sous la plume de Stanislas Julien voit le jour dès 1824-1825, en supplément aux Chants populaires de Grèce de Charles-Claude Fauriel, puis quasi simultanément sous forme d’une brochure autonome, aux presses de Firmin Didot à Paris en 1825. L’imprimerie familiale Didot constitue à cette époque en quelque sorte l’épicentre du philhellénisme français, impulsé par des penseurs humanistes comme Adamantios Koraïs (1748-1833): le médecin-philologue enseigna le grec moderne à Ambroise Didot et les deux hommes furent des clés de voûte, par l’intermédiaire du Comité philhellène de Paris créé en 1825, de la cause des révolutionnaires grecs.
 
Avec son Hymne Dionysios Solomos, âgé de 25 ans, s’adresse à la fois aux Grecs et aux Européens et décrit la liberté comme une figure allégorique. L’Hymne  récite les annales de l’asservissement des Grecs aux Ottomans, ainsi que l’exploitation des combinaisons grecques pour la libération de la nation. En 1864, l’ Hymne à la liberté, s’écarte officiellement de l’hymne national grec – musique composée par Nikolaos Mantzaros (1795-1872) en 1828. Evidement, seules les deux premières strophes sont jouées et chantées lors de l’élévation du drapeau grec.
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A gauche: Couverture de la première édition grecque de 1825 à Messolonghi. A droite: “Dithyrambe sur la Liberté”: page de titre de l’édition française de 1825, avec la traduction par Stanislas Julien © Gallica-BnF. Source  
 
Dithyrambe sur la Liberté
 
1. Je te reconnais au tranchant de ton glaive redoutable; je te reconnais à ce regard rapide dont tu mesures la terre. 
2. Sortie des ossements sacrés des Hellènes, et forte de ton antique énergie, je te salue, je te salue, ô Liberté! 
 
3. Depuis longtemps tu gisais dans la poudre, couverte de honte, abreuvée d’amertume, et tu attendais qu’une voix généreuse te dît : ‘’ Sors de la tombe! ‘’ 
4. Combien il tardait ce jour tant désiré ! Partout régnait un morne silence; les cœurs étaient glacés de crainte, et comprimés par l’esclavage. 
 
5. Malheureuse! Il ne te restait que la triste consolation de redire tes grandeurs passées, de les redire d’une voix entrecoupée de sanglots. 
6. De jour en jour tu attendais le cri de l’indépendance, et tu te meurtrissais le sein dans ton désespoir. 
 
7. Tu te disais: Ah! Quand repousserai-je de ma tête le poids de l’infortune! Et, d’en haut, l’on te répondait par des pleurs, des gémissements et des chaînes. 
8. Alors tu élevais ton regard obscurci par les larmes; et sur la robe découlaient des flots de sang, le sang des Grecs ! 
 
9. Sous un vêtement ensanglanté, tu sortis, je le sais, d’un pas furtif et silencieux, pour aller mendier l’assistance des nations étrangères. 
10. Seule tu as entrepris ce voyage pénible, seule tu es revenue: qu’il est difficile d’ouvrir les portes où frappe la main de la misère !
 
Dionysios Solomos, “Hymne à la liberté”, 1823.
Traduction: Stanislas Julien (1825)
* L’Hymne à la libeté en grec (O Ύμνος εις την Ελευθερίαν) sur notre page facebook
 
** Photo d’introduction A gauche: Portrait de Dionysios Solomos (auteur inconnu, 1856). Source: Musée de Solomos et des personnalités de Zakynthos. A droite:  L’Hymnre à la liberté (1823). Source: Musée de Solomos et des personnalités de Zakynthos.
 
M.V.
 
 

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