Reconnu et apprécié pour son style mêlant un univers lyrique flamboyant avec des réflexions théologiques et métaphysiques, Olivier Py est une figure notable du paysage théâtral d’aujourd’hui. Son succès est visible à travers les hautes responsabilités qui lui ont été confiées. En effet de 1998 à 2006 il dirige le Centre dramatique national d’Orléans ensuite le Théâtre de l’Odéon à Paris de 2007 à 2012. Son départ provoqué par Frédéric Mitterrand, Ministre de la Culture à l’époque a suscité une telle polémique dans le monde du théâtre qu’à peine une semaine plus tard il était nommé directeur du Festival d’Avignon.

Aujourd’hui cette personnalité extravagante du théâtre français s’exprime à Athènes en mettant en scène la pièce VITRIOL de Yannis Mavritsakis. Une œuvre intense qui s’interroge sur le rapport au réel à travers son personnage principal, un jeune garçon atteint d’une maladie inintelligible qui décide de rompre avec la réalité. A propos de cette mise en scène, GrèceHebdo a fait sa connaissance sur place au Théatre National, à la rue Agiou Konstantinou!

Νotre discussion commence un peu dans le vague. Le théâtre et son rapport avec la réalité sociale, la poésie, l’analyse sociale et politique. Il affirme que le poème c’est la seule vraie victoire, une véritable force … mais aussi en faisant la comparaison entre la fiction et l’analyse, il trouve que même la fiction la plus noire constitue une réussite dans la mesure où elle a toujours confiance dans les forces vitales, alors que l’analyse est désespérante. La discussion tourne inévitablement vers le mystère de la langue d’autant plus qu’il met en scène une pièce dont il ignore la langue.

Comment vous travaillez avec le grec, avec une langue « non-compréhensible» ?

C’est toujours heureux de travailler sur une langue que je ne connais pas. Je ne m’ennuis jamais. La langue c’est un ensemble comme la musique, comme une œuvre musicale. Pour ce qui est du grec, c’est une approche subjective qui part des délires poétiques personnels : oui, le grec c’est chantant comme l’italien et en même temps il dispose plus d’autorité par rapport à d’autres langues méditerranéennes. Cela permet de jouer des choses plus puissantes, plus dures. Nous les français, on cherche l’affinité entre le grec ancien et le grec moderne et on a l’idée que cette langue à la fois impérative et musicale correspond à la tragédie. Grâce au grec on convoque le pathos en l’évacuant du sentimental, ce qui ne se fait ni avec l’italien, ni avec l’espagnol qui maintiennent des liens avec le dramatique. Quant au français, c’est un mur pour mettre le moi à l’ abri, pour empêcher les émotions de sortir et par le biais de ce mur se produit notre poétique.

On a suivi un peu votre parcours particulier et on a pu voir que vous maintenez des liens étroits avec le catholicisme. Comment ce dernier a influencé votre œuvre artistique ?OLIVIER PY

Avec la catholicité, pas le catholicisme. Avec l’idée de l’universalité, avec l’idée qu’il faut chercher des valeurs universelles. (Si les images sont les mêmes partout, il faut chercher des valeurs universelles). Moi, j’ai choisi une religion, mais si j’avais à choisir une ‘confession’, je serais ce qu’on appelle grec catholique, c’est-à-dire catholique, avec la liturgie orthodoxe. Je suis très profondément catholique, très attaché à l’universalité, je déteste les religions nationales, ce qui est malheureusement le cas souvent au sein de l’orthodoxie. L’idée de la religion nationale me fait horreur. Mais par contre, j’aime la liturgie orthodoxe, évidemment c’est la plus belle.

Et une dernière question à propos d’Athènes. Comment vous trouvez Athènes comme ville parce que c’est une ville différente en tout cas ?

Effectivement oui, mais il y a quelques chose que j’aime bien à Athènes, c’est que c’est assez grecque, ce n’est pas trop mondialisée. Quand je suis à Munich, je me dis que je pourrais être aussi à Denver parfois, quand je suis à Denver quelquefois j’ai un peu l’impression que je pourrais être dans la banlieue de Lyon. Ce n’est pas le cas à Athènes dans la mesure où elle n’est pas trop mondialisée, c’est une ville très urbaine mais je ne déteste pas ça. C’est une ville que j’aime beaucoup. Mais je sais que les athéniens pensent que cette ville est sale et laide parce qu’ils font la comparaison avec le côté paradisiaque des îles. C’est quand même plus agréable de vivre à Athènes qu’à Belgrade. Je préfère Athènes, une ville attachante et vivante même si elle est difficile en ce moment, dans cette période de crise, je me sens assez bien ici, c’est une ville que j’aime beaucoup. Je vais revenir, rester, partir et revenir.

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